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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 145

Le mardi 3 octobre 2023
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le mardi 3 octobre 2023

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Les travaux du Sénat

Adoption de la motion tendant à autoriser l’accès aux photographes à la séance d’aujourd’hui pendant que la gouverneure générale est au Sénat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat, je propose :

Que, si Son Excellence la gouverneure générale vient au Sénat plus tard aujourd’hui, des photographes soient permis dans la salle du Sénat pour photographier les délibérations pendant que Son Excellence est au Sénat, d’une manière qui perturbe le moins possible les travaux.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Le nouveau Président de la Chambre des communes

Communication de la résidence de la gouverneure générale

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de vous informer que j’ai reçu la communication suivante de la résidence de la gouverneure générale :

RIDEAU HALL

Le 3 octobre 2023

Madame la Présidente,

J’ai l’honneur de vous informer que Son Excellence la très honorable Mary May Simon, gouverneure générale du Canada, se rendra à la salle du Sénat aujourd’hui, le 3 octobre 2023, à 14 h 10, pour recevoir le Président de la Chambre des communes nouvellement élu.

Veuillez agréer, Madame la Présidente, l’assurance de ma haute considération.

Le secrétaire du gouverneur général par interim

Maia Welbourne

L’honorable

La Présidente du Sénat

Ottawa

[Français]

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, que la séance soit suspendue en attente de l’arrivée de Son Excellence la gouverneure générale du Canada?

Des voix : D’accord.

(La séance du Sénat est suspendue.)


(1430)

À 14 h 10, Son Excellence la gouverneure générale étant arrivée au Sénat et ayant pris place sur le trône,

Son Honneur la Présidentedit :

Huissier du bâton noir,

Allez informer la Chambre des communes que c’est le désir de Son Excellence la gouverneure générale que les Communes se rendent immédiatement auprès d’elle dans la salle du Sénat.

La Chambre des communes étant arrivée,

Son Président, l’honorable Greg Fergus, prononce les paroles suivantes :

Qu’il plaise à Votre Excellence,

La Chambre des communes m’a élu Président, bien que je sois peu capable de remplir les devoirs importants qui me sont par là assignés. Si, dans l’exécution de ces devoirs, il m’arrive de faire une erreur, je demande que la faute me soit imputée et non aux Communes, dont je suis le serviteur.

Son Honneur la Présidente du Sénat répond en ces termes :

Monsieur le Président, Son Excellence la gouverneure générale me charge de vous assurer que vos paroles et vos actes seront toujours interprétés par elle de la manière la plus favorable.

(1440)

[Traduction]

Les Communes se retirent.

Il plaît à Son Excellence la gouverneure générale de se retirer.

(Le Sénat reprend sa séance.)


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Journée nationale des aînés

L’honorable Judith G. Seidman : Honorables sénateurs, imaginons John, Jean ou Jeanne, l’aide à domicile qui peut tout faire. Grâce à une recharge sans fil hebdomadaire, ce robot est un aide à domicile qui peut nous offrir son bras lorsque nous nous levons de notre chaise, démarrer notre voiture autonome, nous aider à traverser la rue à un feu vert, nous préparer et nous apporter notre dîner, et nous rappeler la myriade de petites choses que nous pourrions oublier. Imaginons que nous puissions converser avec lui lorsque nous nous sentons seuls. Le mot clé ici est « imaginons ».

Le dimanche 1er octobre marquait la Journée nationale des aînés ainsi que la Journée internationale des personnes âgées. Ce jour-là, j’ai réfléchi à l’excellente occasion que nous avons de promouvoir autrement le bien-être des aînés dans l’avenir.

Les aînés veulent vieillir dans leur communauté. En effet, selon un sondage mené à la fin de 2020 par l’Association médicale canadienne et le National Institute on Ageing, 96 % des Canadiens veulent vieillir à la maison et être autonomes le plus longtemps possible, et ils feront tout ce qu’ils peuvent pour éviter de vivre dans des établissements de soins de longue durée.

Sénateurs, nous pouvons et nous devons faire en sorte que cela se produise, mais il faut pour cela réfléchir à des stratégies qui sortent des sentiers battus. Nous devons penser de manière transformatrice et briser les stéréotypes. Nous devons mettre l’accent sur des mesures qui permettent aux personnes âgées de vieillir chez elles, dans leur collectivité et dans leur maison, avec l’aide de leurs amis, de services communautaires, d’équipes de santé itinérantes, de technologies spécifiques à l’âge comme la robotique et d’autres dispositifs et aides. Nous devons faire preuve d’innovation et de vision. Il ne s’agit plus seulement d’un espoir, mais d’une nécessité.

Honorables sénateurs, pour souligner la Journée nationale des aînés, je vous invite à imaginer un avenir où les aînés pourront vieillir épanouis, en sécurité et dotés d’une capacité d’agir, de même qu’à vous engager à adopter l’approche novatrice et transformatrice qui est nécessaire pour qu’ils puissent vieillir chez eux. Merci.

L’autochtonisation des campus des établissements d’enseignement postsecondaire

L’honorable David Arnot : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour parler du besoin fondamental des jeunes Autochtones de se reconnaître dans la société canadienne. Je parlerai également de ce que font les dirigeants des établissements d’enseignement postsecondaire à cet égard et des mesures dignes de mention qui sont prises par l’Université de la Saskatchewan.

Chers collègues, en juin dernier, la jeune leader métisse Katherine Merrell-Anderson a déclaré au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones que lorsqu’elle avait cherché des signes de son appartenance et de son patrimoine métis à Ottawa, comme un drapeau, des œuvres d’art ou d’autres éléments de sa culture, elle n’en avait trouvé aucun, mis à part ceux qui se trouvaient dans la salle d’audience où elle témoignait.

Les établissements d’enseignement postsecondaire réagissent à cette omission, à cette exclusion et à cette absence de signes de l’identité autochtone par la défense les droits, l’établissement de liens et, plus important encore, l’autochtonisation des campus. L’autochtonisation comprend l’identification, la reconnaissance et l’inclusion dans le système des visions du monde, des connaissances et des perspectives des Autochtones.

Peter Stoicheff, recteur de l’Université de la Saskatchewan, a présenté la réconciliation au sein de son établissement comme un engagement fondamental à être « des participants et des leaders, non des témoins, de la plus grande initiative culturelle que le Canada ait jamais eu l’occasion de lancer ».

L’Université de la Saskatchewan donne l’exemple en élaborant des politiques axées sur la collaboration, en établissant des exigences en matière d’apprentissage et en mettant en œuvre des mesures de protection de l’identité autochtone. Sa stratégie autochtone à l’échelle de l’établissement a été élaborée uniquement par des Autochtones, notamment des aînés, des gardiens des savoirs et des membres du personnel. Les nouveaux étudiants du plus grand collège de l’université, le College of Arts and Science, suivent désormais une formation autochtone obligatoire dans le cadre de leur programme d’études. D’autres collèges de l’Université de la Saskatchewan préparent actuellement leurs propres cours et exigences.

L’Université de la Saskatchewan a mis en œuvre une politique et un cadre visant à « [...] protéger les peuples, les cultures, les valeurs et les langues autochtones [...] » au moyen d’un processus de vérification de l’identité qui reconnaît pleinement le droit inhérent à l’autodétermination. Aujourd’hui, plus de 3 300 étudiants autochtones sont inscrits à l’Université de la Saskatchewan, soit près de 13 % de la population étudiante. Ce pourcentage est semblable à celui qu’on retrouve dans l’ensemble de la population de la province.

Chers collègues, joignez-vous à moi pour rendre hommage à l’Université de la Saskatchewan et à tous les établissements d’enseignement postsecondaire du Canada qui s’emploient activement à intégrer la vision autochtone à leurs campus, alors que nous participons à la meilleure expérience culturelle que le Canada ait jamais connue. Merci.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de membres de l’organisme Athena Leadership de Winnipeg, au Manitoba. Elles sont les invitées de l’honorable sénatrice Osler.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Athena Leadership

L’honorable F. Gigi Osler : Honorables sénateurs, je suis heureuse de souhaiter la bienvenue à un groupe de femmes inspirantes qui représentent Athena Leadership.

Athena Leadership est un organisme manitobain sans but lucratif qui se consacre à l’autonomisation des femmes et à leur avancement dans des postes de direction. L’organisme s’efforce de renforcer les capacités personnelles et professionnelles des femmes grâce à du mentorat, du réseautage et de la collaboration entre pairs. À l’échelle communautaire, Athena Leadership offre une bourse d’études spéciale qui vise à traiter l’urgence de renforcer les compétences en leadership chez les femmes, les filles et les personnes de diverses identités de genre. Chaque année, le Prix de la leader de demain de l’organisme récompense et soutient une jeune femme remarquable qui améliore la vie d’autrui par son engagement communautaire et son leadership exceptionnels.

(1450)

Je suis particulièrement ravie d’accueillir ces femmes ici aujourd’hui, étant donné qu’octobre est le Mois de l’histoire des femmes au Canada. J’encourage tout le monde à prendre le temps d’examiner le thème de cette année, « À travers son regard », et de célébrer les réalisations et les contributions de femmes d’origines diverses au sein de leur collectivité.

L’un des principes directeurs d’Athena Leadership est de fournir une éducation dans un environnement favorable. En tant que médecin, j’ai pu constater les avantages qu’il y a à fournir des informations fondées sur des données scientifiques afin d’autonomiser les gens et d’améliorer leur santé. Octobre est le Mois de l’histoire des femmes, et, cette semaine, soit du 1er au 7 octobre, c’est la Semaine de prévention du virus du papillome humain. Saviez-vous que, en 2017, le Canada a été le premier pays à consacrer une semaine à la sensibilisation au virus du papillome humain, ou VPH, et aux maladies et cancers qu’il peut causer? Dans le monde entier et au Canada, les cancers liés au VPH sont en augmentation et peuvent toucher n’importe qui, quel que soit le sexe. Après avoir diminué pendant plus de 20 ans en raison de la baisse du tabagisme, les cancers de la langue, de la bouche et de l’oropharynx ont fortement augmenté à cause du VPH, qui est maintenant lié à 50 à 70 % de ces cancers.

Qu’il s’agisse de fournir des informations dans un établissement de santé ou de la formation dans un milieu professionnel, ou de faire une déclaration à la Chambre rouge, la connaissance rend plus fort. Je remercie les femmes d’Athena Leadership de donner du pouvoir aux gens et d’enrichir leur vie. Meegwetch.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’anciens collègues du sénateur Black, qui ont travaillé avec lui au développement d’un programme en matière d’agriculture partout au Canada.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Rétrospective d’une vie

L’honorable Mary Jane McCallum : Honorables sénateurs, j’aimerais remercier le Groupe progressiste du Sénat de m’avoir donné sa place aujourd’hui. Je souhaite partager avec vous une petite partie du discours que j’ai prononcé à la Winnipeg Art Gallery le 30 septembre dernier. Il était intitulé Rétrospective d’une vie : mon existence sur sept générations. Je vous parle de la deuxième génération — de l’âge d’un à cinq ans —, alors que j’étais à la maison, sur la terre, avant le pensionnat.

Mon peuple savait où était sa place, sur la terre — l’aski. L’aski est l’endroit où nos cultures, nos communautés et les etinewak s’enracinaient et se définissaient. Au lieu de s’enraciner dans un lieu particulier comme nous le faisons dans les villes et les villages, elles voyageaient sur l’aski pour suivre la nourriture, adapter leur mode de vie à l’environnement et aux saisons, ainsi qu’à l’endroit où ils vivaient leur quotidien. Chaque espace géographique dans lequel nous nous installions était imprégné de sens. Tous les environnements étaient considérés comme des lieux vivants et des endroits idéaux pour vivre, et nous les avons laissés pratiquement intacts. Ces lieux n’ont pas été créés par nous, les humains, et ils ont été influencés par des acteurs non humains. Nos proches — les oiseaux, les animaux, les insectes, les poissons et l’écosystème — occupaient l’aski et jouaient un rôle énorme dans l’évolution et le façonnement continus de notre culture. En fait, la terre était occupée, mais les nouveaux arrivants ne le voyaient pas ainsi. Ils la voyaient comme vierge.

L’aski est importante pour moi. Elle me donne la vie. On ne peut pas l’attacher ni ériger des frontières pour la posséder. En tant que groupes culturels, les Premières Nations se sont définies et elles ont défini leur gouvernance et leurs codes d’éthique en fonction des lieux où elles vivaient sur le territoire depuis des temps immémoriaux. Nous transportons cette notion du foyer dans notre mémoire collective — libres de vivre sur le territoire tout en apprenant, enfants, en observant nos parents perpétuer les traditions et démontrer les aptitudes à la vie quotidienne qui allaient nous permettre de devenir indépendants, mais aussi interdépendants, afin d’occuper la place qui nous revient et d’honorer notre objectif en ce monde terrestre. La croissance n’était pas seulement physique et mentale, mais aussi intellectuelle et spirituelle. C’est ainsi que j’en suis venue à me connaître et à me comprendre. J’ai pu exercer ma créativité et ma curiosité. Rien ne se compare à la vie dans la nature. J’étais chez moi parmi les histoires de mes ancêtres — les récits de trappage, de mes ancêtres vivant leur vie à leur époque, à leur manière, sur la grande aski.

Merci. Kinanâskomitin.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de participants au programme de la bourse de 1834, une initiative d’Operation Black Vote Canada.

Ils sont les invités du Groupe canado-africain du Sénat.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le projet 1834 Fellowship

L’honorable Bernadette Clement : Honorables sénateurs, je suis honorée de prendre la parole pour souligner un groupe de jeunes gens incroyablement talentueux qui se distinguent déjà par leur apport à la société et leur leadership.

À la tribune aujourd’hui, nous accueillons la cohorte 2023 des titulaires de la bourse 1834, une initiative dirigée par Velma Morgan, de l’organisme Operation Black Vote Canada.

Qu’est-ce que la bourse 1834? Elle a été nommée en l’honneur de l’année où l’esclavage a été aboli au Canada. Son objectif est de récompenser chaque année 20 jeunes Noirs ayant un potentiel très prometteur qui souhaitent acquérir ou approfondir des aptitudes dans le but d’exercer un rôle de leader dans la société civile. Cette bourse les aidera à développer leurs capacités pour progresser dans leur cheminement de carrière.

En effet, les critères de sélection ne laissent place à aucune interprétation sur le haut calibre de ces candidats : maturité, conscience de soi, respect d’autrui, leadership, pensée critique et motivation.

Le Groupe canado-africain du Sénat est l’hôte de ces visiteurs exceptionnels. Demain, ils seront invités à participer à un repas-causerie afin de mettre en commun leurs expériences et d’aborder les défis propres aux Noirs — en tant que personnes d’origine africaine — à notre époque et à l’avenir.

Mes sincères félicitations à tous les boursiers de 2023. Je vous remercie de votre présence parmi nous en ce jour historique où la Chambre des communes vient d’élire pour la première fois un Noir à la présidence. Félicitations au Président Greg Fergus.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Clement : Je remercie les jeunes gens de prendre de la place dans cette institution. Je suis impatiente de voir tout le bien que vous ferez dans le monde. Merci, nia:wen.

Le décès de Walter Ball

L’honorable Jim Quinn : Honorables sénateurs, je prends la parole devant vous aujourd’hui pour rendre hommage à mon ami Walter Ball, un père de famille très respecté, un professeur de musique, un conseiller municipal, un solutionneur de problèmes et un leader local pour ma ville, Saint John, au Nouveau-Brunswick, qui est décédé le 23 septembre à l’âge de 92 ans. J’ai rencontré Walter il y a des années, par l’entremise de ma sœur Eileen et de son amie Tzigane, la fille de Walter.

Walter avait la réputation de recevoir de nombreux invités chez lui. C’était un homme authentique et humble qui aimait aider les autres. Il était membre du YMCA local et il aidait des familles à s’installer à Saint John. Walter participait au programme d’hébergement de l’Université du Nouveau-Brunswick à Saint John afin d’accueillir chez lui des étudiants venus d’aussi loin que la Chine, afin qu’ils se sentent plus à l’aise d’étudier à l’étranger. Walter croyait qu’il était important d’intégrer les nouveaux arrivants et qu’il fallait accueillir tout le monde à bras ouverts.

Il était un pianiste de concert talentueux. Il a étudié au conservatoire de Toronto dans les années 1950 et il a participé à des compétitions de piano de concert partout dans le monde; au fil des ans, il a visité plus de 40 pays. Il a embrassé toutes sortes de cultures et de langues tandis qu’il poursuivait sa passion pour la musique.

Dans les années 1960, Walter avait sa propre émission de télévision à Saint John, Kaleidoscope. Il recevait en entrevue des personnalités du domaine des arts et il arrivait à incorporer et à jouer de la musique ayant pour thème le sujet de l’entrevue.

Walter a enseigné la musique dans les écoles au fil des ans. Il communiquait avec ses élèves par la musique et croyait que tout le monde pouvait en jouer.

(1500)

Il a enseigné à des dizaines de milliers d’élèves et en a inspiré plus d’un. Au cours des décennies, il a en outre fondé de nombreuses chorales qui ont gagné de nombreux prix. L’un de ses élèves se souvient que tous souhaitaient bien jouer pour Walter.

Walter a fondé une orchestre de fer et a construit lui-même des tambours métalliques pour ses élèves, en plus de composer ses propres partitions pour que tous puissent apprendre à en jouer.

Plus tard, au milieu des années 1970, le Lancaster Kiwanis Steel Drum Band a commencé à se produire, et a même joué pour le premier ministre Pierre Elliott Trudeau sur le tarmac de l’aéroport de Saint John à son arrivée. Walter a enchaîné les tournées partout dans le monde jusqu’à son dernier concert, qui a eu lieu en France, en 1984. Toutefois, parmi les membres fondateurs du groupe, nombreux sont ceux qui continuent de jouer dans de nouveaux orchestres aujourd’hui. En 1985, Walter est devenu directeur général du Festival sur mer, créé en marge des Jeux du Canada, lorsqu’ils ont eu lieu à Saint John.

Walter a également construit toutes sortes de choses, pas seulement des tambours métalliques. Par exemple, lorsque sa petite-fille avait 2 ans, il a consulté des plans et lui a construit un cheval à bascule. Il a fini par en fabriquer 200 autres pour honorer les commandes reçues au cours des 15 années suivantes.

Plus tard, il a bâti sa maison sur la rivière Kennebecasis avec ses fils, Conrad et Spenser. Il y a habité avec son épouse, Suzanne, avec qu’il a partagé sa vie pendant 60 ans. Walter y a en outre continué à jouer du piano jusqu’à son décès récent.

Repose en paix, mon ami. Puisses-tu continuer de briller avec style dans l’au-delà, coiffé de l’un de tes nombreux bérets et enveloppé de l’une de tes nombreuses pèlerines. Merci, meegwetch.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Régie interne, budgets et administration

Dépôt du neuvième rapport du comité

L’honorable Lucie Moncion : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le neuvième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration intitulé Rapport annuel des associations parlementaires sur leurs activités et dépenses pour 2022-2023.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les affaires mondiales

Les relations entre le Canada et l’Inde

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Sénateur Gold, selon le Financial Times, le gouvernement de l’Inde aurait dit au gouvernement Trudeau que 41 diplomates canadiens avaient une semaine pour quitter l’Inde. Si cette affirmation est exacte, elle reflète une grave détérioration des relations entre les deux pays. L’Inde a averti ses citoyens de ne pas aller au Canada. Elle a interrompu les services de visas avec le Canada, et des négociations commerciales ont été suspendues.

Monsieur le leader, on trouve au Canada l’une des plus importantes communautés de personnes d’origine indienne. Pourriez-vous nous dire si le reportage du Financial Times est bien exact? Votre gouvernement a-t-il un plan en vue de gérer cette situation qui se dégrade?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Je n’ai aucun renseignement indiquant que ce reportage serait inexact, sénateur. C’est probablement la tournure la plus exacte que je puisse utiliser.

Cela dit, comme l’a souligné le premier ministre, le Canada continue d’affirmer fermement qu’aucun pays n’a le droit d’enlever la vie — si les allégations se confirment — à des citoyens canadiens en sol canadien.

Par ailleurs, le Canada continuera de collaborer avec l’Inde à propos de dossiers prioritaires pour les deux pays. Il maintiendra les solides relations interpersonnelles qui existent au Canada entre les gens d’origine indienne et les institutions et les collectivités canadiennes, et il maintiendra aussi la coopération économique bilatérale. Le Canada poursuit le dialogue avec l’Inde et espère qu’elle coopérera à l’enquête concernant l’incident vraiment tragique qui est survenu.

Le sénateur Plett : Monsieur le leader, il y a deux semaines, le chef de l’opposition officielle, Pierre Poilievre, a demandé au premier ministre de donner plus de précisions au sujet des graves allégations qu’il a faites à la Chambre des communes contre le gouvernement de l’Inde. M. Poilievre a déclaré qu’il fallait avoir tous les faits pour que les Canadiens puissent juger de l’allégation.

Je suis d’accord : il s’agit d’une demande raisonnable, car les affirmations du premier ministre ont des implications profondes et sérieuses, sénateur Gold. Pourtant, le premier ministre et son gouvernement n’ont rien dit de plus aux Canadiens depuis la déclaration faite le 18 septembre à l’autre endroit. Pourquoi, monsieur le leader?

Le sénateur Gold : Merci de la question. Le premier ministre a obtenu les renseignements des services de sécurité du Canada et d’autres pays du Groupe des cinq. On doit s’abstenir de les communiquer publiquement. Ces renseignements ne doivent être transmis qu’aux personnes qui détiennent la cote de sécurité requise, comme l’ont choisi certains chefs de l’opposition, mais pas tous.

[Français]

La sécurité publique

La Gendarmerie royale du Canada—Les langues officielles

L’honorable Claude Carignan : Monsieur le leader, dans un article de Radio-Canada, on apprend aujourd’hui que plusieurs hauts gradés de la Direction générale de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) occupent des postes bilingues même s’ils ne parlent pas français et ne suivent aucun cours de langue.

Malgré les exigences de bilinguisme, il semblerait qu’une demi-douzaine des hauts gradés de la GRC, à Ottawa, ne seraient pas en mesure de parler ni de comprendre le français. Qu’en est-il des recrues de la GRC? Voilà qu’on apprend selon les propos de la porte-parole de la GRC, rapportés comme suit par Radio-Canada :

Quant aux jeunes recrues de la GRC, seuls les francophones reçoivent actuellement des cours de langue seconde pendant leur séjour de formation en Saskatchewan. Les recrues anglophones ne suivent pas de cours de français pour l’instant [...]

Monsieur le leader, comment votre gouvernement se dit-il respectueux des deux langues officielles? Comment peut-il tolérer un laxisme aussi navrant au sein de la GRC?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Le bilinguisme est un principe fondamental de l’identité de notre pays. Je comprends que la GRC est en train de négocier des contrats pour offrir des cours de français et lancer un projet pilote pour la formation linguistique à l’interne. Le gouvernement du Canada s’attend à ce que la GRC, comme tous les organismes fédéraux, respecte ses obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles.

Le sénateur Carignan : Cela fait huit ans que votre gouvernement est là et la réponse que vous me donnez, c’est que la GRC procède actuellement par appel d’offres pour des cours de langue. Êtes-vous sérieux?

Le sénateur Gold : Selon l’information que j’ai, le gouvernement s’attend à ce que la GRC prenne ses responsabilités et qu’elle respecte ses obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles. C’est l’attente du gouvernement et c’est l’obligation de la GRC.

[Traduction]

L’emploi, le développement de la main-d’œuvre et le travail

La prestation canadienne pour les personnes en situation de handicap

L’honorable Brent Cotter : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Elle concerne le projet de loi C-22, la Loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées.

Sénateur Gold, vous vous souviendrez qu’en juin, le projet de loi C-22 a été adopté à l’unanimité et avec enthousiasme au Sénat et à l’autre endroit. Une partie de cet enthousiasme était liée au message de la ministre Qualtrough selon lequel le gouvernement serait prêt à verser la prestation aux Canadiens handicapés en âge de travailler dans un délai d’environ un an.

D’après de récentes communications du gouvernement, compte tenu d’un amendement apporté au projet de loi par le Sénat, qui donne au gouvernement jusqu’à deux ans pour sa mise en œuvre, la prestation ne sera pas offerte avant 2025, et peut-être même juin 2025. Cela signifie que des milliers de Canadiens handicapés parmi les plus démunis seront privés de cette prestation jusqu’à deux ans après la sanction royale du projet de loi.

Pouvez-vous confirmer ce retard très regrettable?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur. Je n’ai pas été informé du calendrier de mise en œuvre ou de versement de ces prestations. Je ne manquerai pas de m’en enquérir.

Le sénateur Cotter : Compte tenu de l’urgence de la situation pour beaucoup de personnes, j’espère que vous vous informerez sans tarder, sénateur Gold.

(1510)

J’ai une brève question complémentaire à poser. Le gouvernement s’était entre autres engagé à ce que les règles pour la mise en œuvre de cette prestation soient élaborées en étroite collaboration avec la communauté des personnes handicapées. Or, les dirigeants de cette communauté ont signalé qu’en dépit des engagements pris à l’égard d’une collaboration spéciale pour l’élaboration des règles liées à la prestation, l’approche du gouvernement n’est ni spéciale ni collaborative. Il s’en tient à la même vieille façon de faire. Pourriez-vous nous donner des précisions à ce sujet?

Le sénateur Gold : Je vous remercie encore de la question. Malheureusement, je dois une fois de plus répondre que je ne sais pas. Je ne dispose d’aucun renseignement concernant la collaboration et les consultations. Néanmoins, je vais certainement me renseigner.

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

La Commission d’enquête sur les criminels de guerre au Canada

L’honorable Paula Simons : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement. Le Canada est membre de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste depuis 2009. Conformément à la Déclaration de Stockholm, les membres de l’Alliance doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour rendre leurs archives accessibles aux chercheurs qui étudient l’histoire de l’Holocauste. Or, le Canada ne l’a toujours pas fait, malgré les demandes répétées de B’nai Brith Canada et d’autres intervenants. D’ailleurs, non seulement certains de ces documents sont inaccessibles, mais ils demeurent confidentiels.

Alors qu’un événement récent nous rappelle la nécessité de se rappeler l’histoire de l’Holocauste, le gouvernement s’engagera-t-il à faire modifier la Loi sur l’accès à l’information pour obliger le gouvernement à rendre accessibles tous les documents relatifs à l’Holocauste qu’il a en sa possession?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question et de souligner l’importance d’avoir accès à toute l’information sur ce qui s’est passé. Je ne suis pas en mesure de prendre cet engagement, sénatrice, mais je vais certainement faire part de vos préoccupations et m’informer auprès du ministre concerné.

La sénatrice Simons : J’ai une question complémentaire. En 1986, la Commission d’enquête sur les criminels de guerre, mieux connue de la plupart des gens comme la Commission Deschênes, a publié un rapport en deux parties qui examinait les allégations selon lesquelles les gouvernements canadiens de l’après-guerre avaient accepté au Canada, voire accueilli, des criminels de guerre nazis connus. Ce rapport comportait deux parties, dont l’une n’a encore jamais été rendue publique. Bien que je comprenne et soutienne la nécessité de respecter le droit à la vie privée des personnes qui ont été accusées mais non inculpées de crimes de guerre et de respecter la dignité et la réputation de la merveilleuse communauté ukrainienne du Canada, 37 années se sont écoulées depuis la rédaction du rapport Deschênes. À quel moment les Canadiens peuvent-ils s’attendre à ce que ses conclusions soient rendues publiques?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Le rapport du regretté Jules Deschênes était important et il a permis de faire la lumière sur beaucoup de choses. Je crois savoir qu’une partie de ce rapport était publique, mais que certaines sections ont été caviardées pour des raisons qui incluent sans aucun doute celles dont vous avez fait mention. Je ne sais pas où en est la réflexion et où en sont les appels qui ont été récemment lancés publiquement — comme vous le savez — pour que les sections caviardées soient rendues publiques. J’ajouterai cette question aux demandes de renseignements que je prévois faire.

La défense nationale

Le budget consacré à la défense

L’honorable Rebecca Patterson : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat, le sénateur Gold.

Monsieur le sénateur, le ministre de la Défense nationale, Bill Blair, a annoncé que le budget de la défense du Canada sera amputé de 1 milliard de dollars. Le ministre assure aux Canadiens que cette réduction touchera l’appareil administratif sans nuire aux capacités des Forces armées canadiennes. Or, devant un comité de l’autre endroit le 28 septembre dernier, le chef d’état-major de la Défense et le sous-ministre de la Défense nationale ont affirmé qu’une réduction de cette ampleur nuira aux capacités opérationnelles.

Soyons clairs : les capacités ne se résument pas à disposer d’une frégate, d’un avion de chasse ou d’un véhicule blindé de transport de troupes. Les capacités incluent également les membres bien entraînés des forces armées du Canada, les programmes qui soutiennent ceux-ci ainsi que leur famille et leur milieu, sans oublier, bien sûr, notre participation aux alliances internationales comme l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, ou l’OTAN, et le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord, ou le NORAD. Tous ceux qui servent dans l’armée ont confiance non seulement dans l’équipement, mais également dans le soutien offert par le gouvernement. En somme, on ne peut pas rechercher la paix en négligeant la première ligne de défense contre une menace.

Ma question est la suivante : dans quels aspects de l’appareil administratif le gouvernement va-t-il couper? Est-ce que ce sera dans les programmes qui soutiennent l’entraînement, la santé et le bien-être des membres des Forces armées canadiennes, dans les programmes pour leur famille, dans nos alliances et partenariats internationaux comme le NORAD et l’OTAN ou dans nos engagements envers la Lettonie et l’Ukraine?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. À l’instar d’un ministre prudent, le ministre a dit :

La situation financière actuelle au Canada exige que lorsque nous dépensons l’argent des contribuables, nous le fassions de manière prudente et réfléchie.

Le gouvernement abordera la réduction des dépenses annoncée de manière réfléchie et prudente.

La situation mondiale a changé très rapidement. Le Canada réévalue constamment ses responsabilités à cet égard. Je pense qu’il est prématuré de supposer que le gouvernement sait exactement où il effectuera la réduction de 1 milliard de dollars; toutefois, je suis convaincu qu’il tiendra compte des besoins de l’armée et de la sécurité non seulement des Canadiens, mais aussi du monde, dont nous sommes un élément important.

Les relations Couronne-Autochtones

Le pensionnat de l’Île-à-la-Crosse

L’honorable Brian Francis : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Le pensionnat de l’Île-à-la-Crosse, en Saskatchewan, a été en exploitation de 1860 à 1976 et a été fréquenté, en grande partie, par des élèves métis. Toutefois, cet établissement a été exclu de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens et de la Convention de règlement relative aux externats indiens fédéraux. Par conséquent, les survivants du pensionnat de l’Île-à-la-Crosse attendent toujours la reconnaissance des préjudices et des mauvais traitements qu’ils ont subis ainsi qu’une indemnisation. Après des années de vaines tentatives en vue de négocier un règlement, il a été proposé d’intenter un recours collectif contre les gouvernements du Canada et de la Saskatchewan, qui ont financé l’établissement à différentes époques. Dans la foulée de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, je pose la question suivante : que fait le gouvernement du Canada pour que les survivants du pensionnat de l’Île-à-la-Crosse reçoivent enfin la reconnaissance et l’indemnisation qui leur sont dues?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, qui tombe à point pour souligner tout le travail qu’il reste à faire pour que justice soit rendue à ceux qui ont souffert sous le régime oppressif dont vous parlez.

Je suis convaincu que le ministre Anandasangaree et le ministère travaillent de bonne foi à régler les nombreux problèmes. Il est regrettable que les tentatives en vue de négocier un règlement aient échoué, car cette approche est toujours préférable aux situations où les gens se retrouvent forcés de porter l’affaire devant les tribunaux. Si des poursuites judiciaires ont bel et bien été intentées, vous comprendrez que je ne peux, dans ce cas, commenter l’affaire.

Le gouvernement demeure déterminé à faire son possible pour rendre justice aux personnes qui ont été traitées de manière indigne et répréhensible dans les pensionnats ainsi qu’à leurs familles et à leurs collectivités.

Le sénateur Francis : Merci, sénateur Gold. Inutile de vous rappeler ou de rappeler aux ministres concernés que le temps presse. Chaque jour, des survivants quittent ce monde et ils méritent, autant que leur famille et leur communauté, que justice soit rendue le plus tôt possible.

Le sénateur Gold : Je suis tout à fait d’accord avec vous.

Les finances

Les Comptes publics

L’honorable Elizabeth Marshall : Ma question aussi s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, au Comité des finances, ce matin, nous avons reçu des témoins du ministère des Finances et du Bureau du vérificateur général. Les fonctionnaires du ministère des Finances n’ont pas pu me donner de réponses, mais ceux du Bureau du vérificateur général nous ont dit que la vérificatrice générale avait approuvé les comptes publics de 2023 le mois dernier. Les comptes publics ont été vérifiés et ils sont prêts. Nous employons encore les comptes publics de 2022, soit des données vieilles de plus de 18 mois. Même le plus récent numéro de La revue financière ne va pas plus loin que juillet. Nous n’avons toujours pas l’information pour le mois d’août.

Comme la vérificatrice générale a déjà approuvé les comptes publics de 2023, allez-vous soulever de nouveau la question auprès du gouvernement et lui faire comprendre qu’il est temps de publier les comptes publics de 2023? Quand le gouvernement prévoit-il publier les comptes publics de 2023?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Permettez-moi de répondre d’abord à la première partie de votre question, parce que c’est la partie la plus facile pour moi. Oui, je soulèverai de nouveau la question auprès du gouvernement. Je dois avouer que je ne connais pas les processus internes. Par conséquent, sénatrice Marshall, je ne suis tout simplement pas en mesure de vous donner une date en réponse à la deuxième partie de votre question. Cependant, comme vous me l’avez demandé, je soulèverai de nouveau la question.

Le Cabinet du premier ministre

L’adresse au Parlement

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Sénateur Gold, ma question porte sur les retombées de l’incident grave et embarrassant qui a eu lieu à la Chambre des communes pendant la visite du président ukrainien Zelenski, qui dirige son pays en guerre. La Légion royale canadienne a déclaré la semaine dernière qu’elle s’attend à ce que des mesures soient prises afin de veiller à ce qu’un tel scénario ne se reproduise plus jamais.

(1520)

Des mesures ont-elles été prises, monsieur le leader? Dans l’affirmative, quelles sont-elles? Pourquoi n’en a-t-on pas informé les Canadiens? Et si aucune mesure n’a encore été prise, n’est-ce pas là une preuve de plus du manque colossal de leadership et de responsabilité de la part du premier ministre?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Je ne suis pas au courant des autres mesures qui ont pu être prises. Avec tout le respect que je vous dois, permettez-moi de rappeler aux sénateurs comment les choses fonctionnent en matière de protocole et de sécurité dans le cadre d’événements comme celui de la semaine dernière. Je ne peux faire mieux que de citer les propos de l’ancien chef du protocole, M. Roy Norton, au sujet de cet incident fâcheux et embarrassant et de ses conséquences immédiates.

Permettez-moi de citer les propos de cet ancien chef du protocole :

Cet incident a lieu au Parlement parce que le Président, au nom des parlementaires, a permis qu’il ait lieu. Le bureau du protocole du Parlement, qui relève des Présidents des deux Chambres, était chargé de déterminer qui y serait invité.

[...] le gouvernement n’a donc vraisemblablement eu aucun rôle à jouer pour ce qui est d’inviter M. Hunka ni, d’ailleurs, la plupart des invités qui étaient assis dans la tribune.

Je tiens ainsi à faire savoir à la Chambre que les mesures qui sont prises font nécessairement intervenir, dans certains cas, la présidence, qu’il s’agisse de celle de la Chambre des communes ou de celle du Sénat, et que j’ignore, à ce stade-ci, quelles modifications sont envisagées, le cas échéant.

La sénatrice Martin : Il est navrant d’apprendre qu’aucune communication n’a eu lieu. L’équipe du protocole devrait communiquer avec le Cabinet du premier ministre. Après tout, c’est le premier ministre qui dirige notre pays.

Sénateur Gold, la semaine dernière, le premier ministre a présenté ses excuses avec plusieurs jours de retard, et n’a pas assumé personnellement la responsabilité de cet incident. Je tiens également à faire remarquer qu’il ne s’est pas excusé auprès des anciens combattants canadiens, notamment ceux qui ont servi pendant la Seconde Guerre mondiale. Monsieur le leader, pouvez‑vous nous dire pourquoi des excuses ne leur ont pas été présentées? De plus, étant donné que le premier ministre et le gouvernement ont refusé d’assumer directement la responsabilité de cet incident gênant et blessant, cela ne revient-il pas à admettre que ce genre d’incident pourrait se reproduire?

Le sénateur Gold : Sénatrice, je crains ne pas pouvoir accepter certaines suppositions qui sous-tendent votre question. Tout d’abord, le Bureau du protocole, qui est indépendant, a répondu ainsi à ma demande de renseignements la semaine dernière : « La cheffe du protocole ne relève pas du Bureau du premier ministre. » Il est tout simplement incorrect d’insister pour dire que le premier ministre est d’une manière ou d’une autre responsable du malheureux incident. Le premier ministre a présenté des excuses au Canada au nom du Parlement, et je crois comprendre qu’on a communiqué et qu’on communique toujours avec le gouvernement de l’Ukraine, que nous appuyons fièrement et indéfectiblement.

Le Bureau du Conseil privé

Les nominations par le gouverneur en conseil

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Sénateur Gold, il y a deux ans, la population de l’Alberta a élu trois personnes comme candidats en vue des nominations au Sénat : Pam Davidson, Erika Barootes et Mykhailo Martyniouk. Plus d’un million d’Albertains ont voté. Il s’agissait d’un comité consultatif réellement indépendant. À l’heure actuelle, il y a deux sièges vacants au Sénat pour l’Alberta.

Sénateur Gold, quand le premier ministre respectera-t-il la volonté démocratique de l’Alberta et nommera-t-il deux des candidats élus au Sénat?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. Le processus de nomination des sénateurs relève de la prérogative du premier ministre. Comme nous le savons, le premier ministre actuel a adopté une façon particulière de nommer les sénateurs, avec l’objectif de moderniser le Sénat et de le rendre moins partisan, de sorte qu’il enrichisse réellement le processus législatif au lieu de se faire uniquement l’écho de l’autre endroit, où les discours se transmettent d’un caucus à l’autre.

Je choisis de ne pas commenter la nomination des sénateurs pour l’Alberta ni aucune autre province. Je crois que nous avons tous très hâte de voir les sièges pourvus. J’ai pleinement confiance que les sénateurs nommés seront des Canadiens exemplaires, comme tous les honorables sénateurs actuels.

Le sénateur Plett : Vous avez vraiment dit cela sans rire. Tout comme vous, sénateur Gold, le premier ministre tient de beaux discours sur l’indépendance du Sénat, mais parmi les 70 sénateurs supposément indépendants que ce premier ministre libéral a nommés, aucun ne s’est joint au caucus conservateur. C’est toute une coïncidence. Voilà qui est surprenant. On dirait que le seul critère à respecter pour être nommé au Sénat est de ne pas être conservateur.

Or, les Albertains ont élu trois conservateurs pour les représenter au Sénat. Justin Trudeau ne tolère aucune opposition. Nous l’avons onstaté par son refus de nommer un sénateur conservateur au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, et nous le constatons encore dans ce cas-ci. Monsieur le leader, Justin Trudeau va-t-il snober de nouveau les Albertains parce qu’ils ont osé choisir des conservateurs?

Le sénateur Gold : Je tâcherai d’être bref, car je pourrais vraiment en parler longuement. C’est une question toute simple que vous me posez là. Premièrement, l’honorable collègue à ma droite était membre du Parti conservateur en Alberta et travaille maintenant à mon bureau. Deuxièmement — je tâcherai ici d’être prudent —, selon le régime en vigueur, lorsqu’une personne est nommée au Sénat, on lui dit — ou on m’a dit, puisque j’ignore ce qu’on a dit aux autres — d’exercer son jugement de façon indépendante, et cela vaut aussi pour la décision de se joindre à un groupe ou de siéger en tant que sénateur non affilié, comme le font un certain nombre de nos honorables collègues. Chaque groupe devrait se demander pourquoi il attire de nouveaux sénateurs ou pourquoi il n’en attire pas. Cette question est probablement plus utile que celle que vous avez posée.

L’emploi et le développement social

Le harcèlement et la violence au travail

L’honorable Marilou McPhedran : Sénateur Gold, je reviens à une question que je vous ai posée il y a longtemps, à savoir en juin dernier. Elle portait sur le fait qu’en 2018, le projet de loi C-65 avait instauré de nouvelles obligations dans le Code canadien du travail, comme la nécessité de faire le suivi des cas de harcèlement sexuel dans les lieux de travail sous réglementation fédérale, dont le Sénat. C’était d’ailleurs la première fois que notre institution était soumise à une obligation de ce genre. J’ai signalé le manque de données canadiennes sur la violence et le harcèlement en milieu de travail et les graves effets sur les employés touchés — qui sont, en nombre disproportionné, des femmes, des membres de minorités raciales, des personnes handicapées et des personnes de diverses identités de genre —, et j’ai souligné qu’il avait fallu attendre près de trois ans après l’entrée en vigueur du projet de loi C-65 pour que les employeurs fassent un suivi et produisent les rapports.

La question que je pose aujourd’hui porte sur l’exigence dans le Code canadien du travail voulant que le ministre examine les dispositions du projet de loi C-65 sur la violence et le harcèlement tous les cinq ans, en s’appuyant sur les rapports et les suivis effectués chaque année par les employeurs.

Sénateur Gold, le gouvernement compte-t-il entamer ce processus à temps, comme le prévoit la loi, pour le cinquième anniversaire de son entrée en vigueur, et comment entend-il mesurer l’efficacité de ces dispositions étant donné le retard dans la communication de données par les employeurs?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Madame la sénatrice, je vous remercie de la question et de m’avoir rappelé que vous avez déjà soulevé cet enjeu auparavant. À défaut de données, il n’est pas vraiment possible d’évaluer la situation. Vous avez donc raison de soulever ce point.

Il va sans dire que je vais aborder la question avec le ministre concerné. J’espère avoir davantage d’information à vous donner la prochaine fois que vous me poserez la question.

La Société canadienne d’hypothèques et de logement

L’Initiative des terrains fédéraux visant à fournir des logements abordables

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, pendant la campagne électorale fédérale de 2015, le premier ministre avait promis que son gouvernement libéral allait :

[...] dresser l’inventaire de tous les terrains et immeubles fédéraux inoccupés pour déterminer lesquels pourraient être adaptés, et offrir ceux-ci à bas prix pour que soient construits des logements abordables dans les communautés où il existe un besoin criant [...]

(1530)

Le mois dernier, une réponse à une question écrite déposée à la Chambre des communes a révélé le nombre de maisons qui ont été construites dans le cadre de cette initiative. La réponse, sénateur Gold, est 12. C’est tout. Douze maisons ont été construites sur une période de huit longues années. Avec un tel bilan, il n’est pas étonnant que le gouvernement Trudeau soit incapable de résoudre la crise du logement au Canada.

Monsieur le leader, comment pouvez-vous honnêtement continuer à dire que votre gouvernement fait preuve d’un quelconque leadership en matière de logement?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : La crise du logement qui touche les Canadiens est une question sur laquelle tous les pouvoirs publics se penchent. Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et les administrations municipales, en partenariat avec le milieu de la construction et d’autres intervenants, ont tous un rôle à jouer. Les mesures que le gouvernement a annoncées récemment représentent un grand pas en avant. D’autres mesures sont à l’étude.

Sur ce point, le gouvernement ne prétend pas vainement qu’il peut résoudre le problème et n’a jamais rien prétendu de tel, et il n’accepte pas non plus qu’on affirme qu’il est responsable du problème. Cependant, il se penche sur la question et s’y attaque de manière responsable avec ses partenaires de tous les ordres de gouvernement et du secteur privé.

Le sénateur Plett : En 2019, le gouvernement Trudeau a mis fin à l’ancien programme de biens excédentaires fédéraux et a créé sa propre Initiative des terrains fédéraux. Le site Web de cette initiative la décrit comme « […] un fonds de 200 millions de dollars qui appuie la cession de terrains et immeubles fédéraux excédentaires à des promoteurs admissibles ». Ces biens immobiliers, offerts à coût réduit ou nul, pourront être réaménagés en vue de la création de logements abordables.

Si vous vous rendiez sur le site Web maintenant, sénateur Gold, vous verriez qu’il y est écrit en gros caractères gras : « Aucune propriété disponible en ce moment. »

Monsieur le leader, comment est-ce possible? À elle seule, CBC/Radio-Canada possède des biens de plus de 400 millions de dollars. Comment se peut-il donc qu’un fonds de 200 millions de dollars ne puisse même pas trouver un bien fédéral à transformer en logement?

Le sénateur Gold : La disponibilité des propriétés, qu’elles appartiennent au gouvernement fédéral ou non, n’est qu’un élément du processus parfois compliqué de réalisation d’un projet. Je peux parler en connaissance de cause, car j’ai travaillé à temps partiel pendant 20 ans dans ce domaine.

Pour répondre à votre question, comme je l’ai déjà dit, le gouvernement fédéral joue son rôle. Tous les ordres de gouvernement peuvent en faire plus et doivent continuer de collaborer pour remédier à cette crise et à ce problème très graves pour tous les Canadiens.


ORDRE DU JOUR

Le Sénat

Motion concernant la période des questions pour le reste de la présente session—Débat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 26 septembre 2023, propose :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle, pour le reste de la session actuelle :

1.lors de la période des questions avec tout ministre de la Couronne tel que prévu par l’ordre adopté par le Sénat le 7 décembre 2021, en plus des temps de parole prévus dans cet ordre, les sénateurs disposent de 45 secondes pour poser une question supplémentaire et les ministres disposent de 45 secondes pour y répondre;

2.lors de toute autre période des questions, les questions principales et les réponses soient limitées à une minute chacune, suivies d’un maximum d’une question supplémentaire par question principale, ces questions et réponses supplémentaires étant limitées à 30 secondes chacune.

Adoption de la motion d’amendement

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée par substitution, aux mots « le 7 décembre 2021, », de ce qui suit :

« le 7 décembre 2021 :

a)la durée de la période des questions soit prolongée de 60 à 64 minutes;

b)».

Son Honneur la Présidente : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?

Des voix : D’accord.

(La motion d’amendement de l’honorable sénateur Gold est adoptée.)

Adoption de la motion modifiée concernant la période des questions pour le reste de la présente session

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion, telle que modifiée, de l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson, appuyée par l’honorable sénateur Gold, c.p.,

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle, pour le reste de la session actuelle :

1.lors de la période des questions avec tout ministre de la Couronne tel que prévu par l’ordre adopté par le Sénat le 7 décembre 2021 :

a)la durée de la période des questions soit prolongée de 60 à 64 minutes;

b)en plus des temps de parole prévus dans cet ordre, les sénateurs disposent de 45 secondes pour poser une question supplémentaire et les ministres disposent de 45 secondes pour y répondre;

2.lors de toute autre période des questions, les questions principales et les réponses soient limitées à une minute chacune, suivies d’un maximum d’une question supplémentaire par question principale, ces questions et réponses supplémentaires étant limitées à 30 secondes chacune.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion modifiée est adoptée.)

Projet de loi sur une approche axée sur la santé en matière de consommation de substances

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Boniface, appuyée par l’honorable sénatrice Hartling, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-232, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale de décriminalisation des substances illégales et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et d’autres lois en conséquence.

L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, je suis ravi d’ajouter mon appui au projet de loi S-232. D’entrée de jeu, je tiens à rappeler à mes collègues que, depuis sept ans, nous sommes aux prises avec une urgence de santé publique qui ne montre aucun signe de ralentissement. Je parle de l’urgence de santé publique liée aux drogues toxiques qu’a déclarée la Colombie-Britannique en 2016, année au cours de laquelle on a enregistré 19 275 appels signalant une surdose ou un empoisonnement dans ma province.

Malheureusement, cette déclaration était prémonitoire. Le nombre d’appels signalant une surdose ou un empoisonnement est passé à 23 441 en 2017; à 23 662 en 2018; à 24 166 en 2019; et à peine quelques années plus tard, en 2022, à 33 654. On a enregistré une baisse de 5 % de ces appels en 2021 et 2022, mais je pense que vous conviendrez qu’il est choquant et inacceptable de compter plus de 30 000 signalements de cette nature en une année.

Au début de l’année, Santé Canada a accordé une exemption à la Colombie-Britannique, au titre de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, pour la période allant du 31 janvier 2023 au 31 janvier 2026. Cette exemption prévoit qu’en Colombie-Britannique, les adultes ne feront pas l’objet d’accusations criminelles pour la possession de petites quantités de certaines drogues illégales. Selon le gouvernement britanno-colombien, la décriminalisation n’est pas associée à une augmentation de l’utilisation des drogues. Par ailleurs, on s’attend à ce qu’elle contribue à réduire les obstacles et la stigmatisation qui empêchent les consommateurs d’avoir accès à des services et à des mesures d’appui susceptibles de leur sauver la vie.

La ministre de la Santé mentale et des Dépendances de la Colombie-Britannique a déclaré qu’aucune preuve ne donne à penser que la décriminalisation de la possession de 2,5 grammes ou moins de drogues illicites pour les personnes de 18 ans ou plus mène à une augmentation de la consommation de ces substances dans les lieux publics.

Comme je l’ai mentionné précédemment, cette exemption est entrée en vigueur à la fin de janvier, pour une période de trois ans. Cet exemple de mesure mise en œuvre dans ma province, la Colombie-Britannique, me motive à appuyer le projet de loi de la sénatrice Boniface, qui vise à établir une stratégie de décriminalisation de certaines substances illégales. Je tiens toutefois à souligner que la décriminalisation de ces substances ne peut pas constituer une mesure isolée : elle doit s’accompagner de structures de soutien et d’un approvisionnement en drogues sûr, afin que les consommateurs de substances ne soient pas laissés en plan.

(1540)

On a déjà beaucoup dit que la crise est grave non seulement dans ma province et dans les grandes villes du pays, particulièrement à Vancouver et à Toronto, mais aussi, comme la sénatrice Boniface nous l’a rappelé, dans de petites localités et dans toutes les régions du pays, en fait. Je tiens à souligner que les troubles liés à la consommation de substances représentent un enjeu de santé publique et non un enjeu de justice pénale.

Les membres du Groupe d’experts sur la consommation de substances ont recommandé à l’unanimité la fin des sanctions pénales liées à la possession simple de substances contrôlées. Nous devrions nous appuyer sur leur recommandation pour encourager le gouvernement à poursuivre l’élaboration d’un cadre en ce sens. Des données probantes démontrent, comme on l’a constaté en Colombie-Britannique, que décriminaliser la possession simple est une façon efficace de réduire les effets nuisibles de la consommation de substances pour la santé et la sécurité publiques.

Il faudra toutefois trouver des façons de remplacer les sanctions pénales, une tâche qui requiert des partenariats intégrés et l’accès à des mesures de déjudiciarisation. Mentionnons que la déjudiciarisation :

[...] peut avoir des répercussions communautaires positives comme la réduction de la récidive et de la criminalité accessoire et l’amélioration des conditions de santé et de sécurité des personnes qui font l’usage de substances illégales [...]

C’est ce qu’on peut lire dans le préambule du projet de loi de la sénatrice Boniface. J’appuie sans réserve toutes ces propositions.

Le projet de loi à l’étude est inscrit au Feuilleton depuis 2021. Quatre ou cinq sénateurs ont déjà pris la parole à son sujet. Il est grand temps de renvoyer ce projet de loi au comité pour une étude en profondeur.

Chers collègues, une crise de santé publique fait rage au Canada. Elle ne cessera pas d’elle-même et elle ne disparaîtra pas par magie. Il faut prendre des mesures concrètes pour arriver à de nouvelles approches permettant de régler ce problème infernal.

Sur ce, je termine ma brève allocution, Votre Honneur, et j’invite tous les sénateurs à réfléchir à la possibilité de renvoyer le projet de loi le plus rapidement possible au comité. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

La Loi sur le directeur des poursuites pénales

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Mary Jane McCallum propose que le projet de loi S-272, Loi modifiant la Loi sur le directeur des poursuites pénales, soit lu pour la deuxième fois.

Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-272, qui vise à modifier la Loi sur le directeur des poursuites pénales. Je signale que les deux projets de loi S-272 et S-271 sont le fruit d’une étroite collaboration entre l’organisme Manitoba Keewatinowi Okimakanak, ou MKO, et le Conseil consultatif des terres. J’ai eu l’honneur de travailler avec ces deux entités et je présente les deux projets de loi en leur nom.

Le projet de loi S-272 est important et nécessaire pour préciser et confirmer de façon concluante que le Service des poursuites pénales du Canada a la compétence et le mandat d’engager et de mener les poursuites visant les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire prévues par les textes législatifs de Premières Nations, de même que toute procédure d’appel ou autre procédure liée à la poursuite, au nom de la nation qui a promulgué la loi autochtone.

Le projet de loi S-272 modifie la Loi sur le directeur des poursuites pénales par l’adjonction de la définition suivante.

Texte législatif de première nation s’entend :

a) soit d’un règlement administratif pris en vertu de la Loi sur les Indiens;

b) soit d’un texte législatif de la première nation au sens du paragraphe 2 1) de la Loi sur l’Accord-cadre relatif à la gestion des terres de premières nations;

(c) soit d’un texte de nature législative édicté par un conseil, un gouvernement ou une autre entité autorisés à agir pour le compte d’une première nation en vertu d’un accord sur l’autonomie gouvernementale mis en œuvre par une loi fédérale.

Honorables sénateurs, lorsqu’il a adopté projet de loi C-49, Loi sur la gestion des terres des premières nations, en 1999, et le projet de loi C-428, Loi sur la modification et le remplacement de la Loi sur les Indiens, en 2014, le Parlement avait l’intention de créer des pouvoirs législatifs nouveaux et accrus pour appuyer l’autodétermination des Premières Nations.

Dans un résumé officiel du projet de loi C-49, on peut lire :

Le projet de loi C-49, élargirait la portée des pouvoirs que la première nation pourrait exercer et ne les laisseraient plus à la discrétion du gouverneur en conseil ou du ministre.

Selon un résumé du projet de loi C-428 préparé par le ministère, cette mesure :

[...] élimine le pouvoir de supervision du ministre sur la présentation, l’entrée en vigueur et l’annulation des règlements administratifs, et confère aux Premières Nations l’autonomie et la responsabilité relativement à la rédaction, l’adoption et l’entrée en vigueur des règlements administratifs [...]

En dépit de l’intention du Parlement d’accroître les pouvoirs législatifs des Premières Nations à des fins d’autodétermination, les projets de loi C-49 et C-428 ont créé des « régimes en suspens » où les lois des Premières Nations ni ne sont appliquées par la GRC ni ne peuvent donner lieu à des poursuites de la part du Service des poursuites pénales du Canada, ou SPPC.

Dans le rapport de juin 2021 du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes intitulé Démarches collaboratives en matière d’application des lois dans les collectivités autochtones, le comité indique que depuis que des modifications à la Loi sur les Indiens en 2014 ont retiré au ministre le pouvoir de rejeter un règlement administratif, il n’y a plus d’examen ministériel obligatoire des règlements administratifs. Alors que le Service des poursuites pénales du Canada n’engage des poursuites que pour les règlements qui ont été examinés, Services aux Autochtones Canada examine maintenant les projets de règlement pour commentaires seulement. Pourquoi cette question n’a-t-elle pas été abordée immédiatement en 2014? Pourquoi le procureur général, le Service des poursuites pénales du Canada et Services aux Autochtones Canada n’ont-ils pas soulevé cette question en 2014 auprès du gouvernement fédéral, car, en laissant les Premières Nations dans une position vulnérable à bien des égards, ils sont coupables d’avoir pratiqué ce qui équivaut à de la négligence supervisée? Pourquoi le procureur général, le Service des poursuites pénales du Canada et Services aux Autochtones Canada ont-ils été autorisés à ignorer leur responsabilité dans la recherche et la mise en œuvre d’une résolution?

Le 6 mai 2021, lors de son témoignage devant le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes, Jeff Richstone, directeur général et avocat général principal du Bureau du directeur des poursuites pénales, a déclaré :

Il existe depuis de nombreuses années une lacune concernant les poursuites reliées à des violations des lois des communautés autochtones. Ces lois sont adoptées par les communautés en vertu d’un certain nombre d’autorités législatives, mais le thème commun est la relation de nation à nation que les communautés autochtones partagent avec le Canada.

Les poursuites relatives à ces lois ne font pas partie du mandat du SPPC.

(1550)

M. Jeff Richstone, ainsi que M. Stephen Harapiak, conseiller juridique aux Services juridiques du ministère de la Justice, ont expliqué ceci au comité :

Nous avons examiné certains projets de règlements administratifs à la demande des Premières Nations, pour les guider et les aider. Ce sont les règlements administratifs qui sont appliqués. Sans pouvoir de désaveu, certains des problèmes qui peuvent se poser sont de savoir si un règlement est conforme à la portée de la Loi sur les Indiens ou s’il est conforme à la Charte, comme cela est prévu depuis 2011.

Honorables sénateurs, ma question est la suivante : pourquoi le pouvoir de désaveu a-t-il été supprimé si aucun processus de transformation n’a été mis en place pour assurer la reconnaissance, le respect, ainsi que l’application, par les forces de l’ordre et le système justice, des lois des Premières Nations? Surtout, pourquoi le gouvernement a-t-il placé les Premières Nations dans une position qui ne leur permet pas de faire le travail qu’elles doivent faire? Le processus de désaveu par un ministre constitue en soi un acte colonial. Pourquoi l’action du fédéral consistant à supprimer le désaveu est-elle devenue, en soi, un obstacle à l’autodétermination et à l’autonomie gouvernementale?

Jeff Richstone nous donne l’explication suivante :

Malgré notre rôle réglementaire limité, le SPPC est déterminé à collaborer avec ses partenaires pour examiner les options et trouver des solutions à long terme. À cette fin, avant la pandémie, le SPPC venait d’amorcer des discussions avec d’autres intervenants afin de déterminer comment cet enjeu peut être mis à l’avant-plan, dans l’espoir de trouver des solutions qui répondent aux besoins des communautés autochtones.

Le rapport dit également ceci :

Le SPPC a conclu des protocoles d’entente avec certaines Premières Nations pour instituer des poursuites en vertu des règlements administratifs établis sous le régime de la Loi sur les Indiens adoptés pour lutter contre la pandémie de COVID-19. Le Comité a été informé que seuls les règlements administratifs qui ont été passés en revue pour s’assurer qu’ils respectent la Loi sur les Indiens et la Charte canadienne des droits et libertés peuvent faire l’objet de poursuites; or, ce ne sont pas tous les articles de la Loi sur les Indiens elle-même qui sont conformes à la Charte.

N’est-ce pas là un paradoxe en soi? Les articles de la Loi sur les Indiens qui ne sont pas conformes à la Charte ont-ils été relevés et les dispositions qui devraient alors avoir préséance ont-elles été établies? Les limites de l’examen représentent, encore une fois, un obstacle de taille.

Le rapport du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord indique ce qui suit :

Les Premières Nations autonomes peuvent promulguer des lois en vertu de l’autorité législative prévue dans leur entente sur l’autonomie gouvernementale ou leur traité moderne. En outre, les Premières Nations qui ont adopté un code foncier en vertu de l’Accord-cadre relatif à la gestion des terres de premières nations (rendu exécutoire en vertu de la Loi sur la gestion des terres des premières nations) peuvent élaborer des lois concernant leurs terres, notamment sur le développement, la protection et la possession de celles-ci. Ces lois autorisent les Premières Nations à ne plus être régies par les dispositions concernées en matière de gestion des terres de la Loi sur les Indiens. L’Accord-cadre prévoit des dispositions relatives à l’application des codes fonciers et des lois des Premières Nations. Cela ne signifie toutefois pas que les lois adoptées en vertu des codes fonciers sont appliquées. Comme l’explique le Conseil consultatif des terres dans son mémoire :

Malheureusement, les règlements administratifs de la Loi sur les Indiens font l’objet d’une sous-application chronique. Une grande partie de la difficulté à asseoir une application efficace des lois des Premières Nations au titre de l’Accord-cadre remonte à la difficulté à surmonter la série d’échecs essuyés sous le régime de la Loi sur les Indiens.

Honorables sénateurs, dans le cadre de notre examen du projet de loi C-32 en décembre 2022, le grand chef Settee des Manitoba Keewatinowi Okimakanak, ou MKO, a fourni par écrit au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones et au Comité sénatorial permanent des finances nationales une explication claire pour justifier pourquoi la section 3 de la partie 4 du projet de loi C-32 aurait dû être amendée afin de clarifier l’application par les forces de l’ordre et le système de justice des lois des Premières Nations adoptées en vertu de l’Accord-cadre relatif à la gestion des terres de premières nations.

Même si les MKO n’ont pas été invités à comparaître devant le Comité des peuples autochtones ou le Comité des finances nationales au sujet du projet de loi C-32, plusieurs sénateurs ont pris la parole au Sénat pour se joindre à moi afin d’exprimer leur appui à la demande des MKO de comparaître devant le Comité des finances nationales.

J’ai également pris la parole au Sénat pour appuyer les amendements proposés par les MKO et attirer l’attention sur leur importance. Lors des travaux du comité, le sénateur Loffreda a en outre posé la question suivante à la vice-première ministre et ministre des Finances :

[...] le MKO a également présenté un mémoire à notre Comité des peuples autochtones pour faire part de préoccupations concernant cette partie du projet de loi et demander des modifications corrélatives à la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada et à la Loi sur le directeur des poursuites pénales.

J’aimerais entendre vos observations et votre point de vue sur ces demandes et ces préoccupations.

La ministre des Finances a répondu ce qui suit :

Vous avez soulevé de très nombreux points. Je ne pourrai pas tout aborder pendant les quelques minutes que le sénateur Mockler nous accorde. Je vais me contenter de dire que j’en prends bonne note.

Je suis convaincue que la réconciliation et la relation de nation à nation avec les peuples autochtones au Canada font partie des dossiers les plus importants de notre gouvernement. C’est omniprésent dans le travail accompli par tous les ministères. C’est une chose que nous prenons très au sérieux. M. Jovanovic et moi-même prenons bonne note de vos commentaires.

Le mémoire des MKO cite la déclaration du 25 mai 2021 de la cheffe Heidi Cook de la nation crie de Misipawistik. La cheffe Cook a raconté au Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes les expériences vécues par sa communauté lors d’une épidémie de COVID-19 au cours de l’hiver 2020-2021 :

Les membres de notre équipe d’intervention d’urgence liée à la pandémie, de notre équipe de soins de santé et de notre équipe chargée de l’application des mesures ont affirmé qu’ils se sentaient abandonnés. Nous avions du mal à contrôler la propagation. Durant la deuxième vague, le nombre de cas a atteint 155 et nous avons tracé près de 300 contacts. Nous en avons tous subi personnellement les conséquences. Je crois que nous souffrons tous de stress post-traumatique en raison de la situation dans laquelle nous nous sommes retrouvés.

Depuis que notre loi sur les mesures d’urgence est venue à échéance, nous n’avons adopté aucune autre loi. À quoi bon adopter une loi si elle ne peut pas être appliquée? C’est pourquoi nous n’avons adopté aucune autre loi depuis.

Le mémoire des MKO concernant le projet de loi C-32 faisait aussi allusion à la déclaration faite le 21 mai 2021 par Robert Louie, président du Conseil consultatif des terres des Premières Nations, devant le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord :

De nombreuses Premières Nations qui ont un code foncier se sont heurtées au refus de forces policières lorsqu’elles ont demandé de l’aide, ces forces évoquant des préoccupations au sujet de la validité des dispositions législatives sur les codes fonciers et de la responsabilité pouvant être imputée aux policiers, ou bien une incertitude quant aux parties qui prendraient en charge les poursuites si des accusations étaient portées. Il a été difficile jusqu’ici de se mettre d’accord avec des procureurs fédéraux ou provinciaux pour aborder les lois des Premières Nations au titre de l’Accord-cadre.

Voici ce que Robert Louie, président du Conseil consultatif des terres des Premières Nations, a indiqué au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones le 22 novembre 2022, dans le cadre de l’examen du projet de loi C-32 :

Les 20 dernières années nous ont permis de comprendre que le Canada et la GRC n’appliquent pas et n’appuient pas les lois qui ont été adoptées par les Premières Nations. C’est un problème de plus en plus sérieux. Nous n’avions pas anticipé cet accroc au départ, mais nous essayons d’y remédier en collaboration avec les gouvernements et les procureurs généraux au niveau fédéral et provincial.

Dans sa lettre du 17 février 2020 adressée au grand chef Settee des MKO, la commissaire de la GRC Brenda Lucki confirme les déclarations du président du Conseil consultatif des terres Robert Louie, à savoir que certaines Premières Nations ayant un code foncier « se sont heurtées au refus de forces policières » et que « la GRC n’appliqu[e] pas et n’appui[e] pas les lois qui ont été adoptées par les Premières Nations ».

(1600)

Par ailleurs, elle avisait le grand chef Settee de ce qui suit :

La GRC reconnaît l’autorité des Premières Nations en vertu de la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations (LGTPN). Toutefois, on se demande si les codes fonciers de la LGTPN confèrent le pouvoir d’adopter des lois liées à la COVID-19. En attendant d’autres directives, la GRC continuera de suivre les processus en place en ce qui concerne l’application des règlements administratifs liés à la COVID adoptés en vertu de la Loi sur les Indiens, ainsi que l’application des lois provinciales applicables.

Puis, le 15 mars 2021, Mme Kelley Blanchette, sous-ministre adjointe, Terres et développement économique, Services aux Autochtones Canada, a écrit ce qui suit au président Robert Louie :

Je comprends la frustration ressentie par les Premières Nations qui ont assumé des aspects aussi fondamentaux de leur gouvernance par l’adoption d’un code foncier, pour être ensuite forcées de s’en remettre aux pouvoirs de la Loi sur les Indiens pour lutter contre la pandémie actuelle de COVID-19.

Bien que d’autres analyses doivent être effectuées, j’ai demandé à mon équipe de collaborer avec vous sur les options qui s’offrent à nous pour élargir et clarifier les pouvoirs dans le cadre des prochaines modifications à l’accord-cadre.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-32 correspond « aux prochaines modifications à l’accord-cadre » auxquelles faisait référence Mme Kelley Blanchette. Chers collègues, vous vous rappellerez sans doute que le projet de loi C-32 ne propose aucune modification visant à corriger les lacunes relatives à l’application concrète des lois ayant trait au code foncier ni les lacunes relatives aux poursuites en cas d’infractions à ces lois.

Le 31 mai 2023, M. Michael Foote, procureur fédéral en chef pour le Manitoba, a déclaré ceci, alors qu’il faisait référence aux dirigeants et aux représentants des MKO, dans le cadre du symposium de deux jours que cette organisation avait organisé en collaboration avec la GRC :

Je suis procureur depuis 25 ans au fédéral et j’ai été procureur au provincial pendant 3 ans. Or, je sais que, pendant tout ce temps, nous n’avons engagé aucune poursuite. Il s’agit donc manifestement de quelque chose qui remonte à plus loin que le début de ma carrière de procureur. Je crois que Michael Anderson a évoqué une affaire datant de 1996, époque où le ministère de la Justice était responsable des poursuites. Or, comme je l’ai indiqué dans mon intervention, c’est quelque chose qui ne s’est jamais répété depuis.

En réponse à une question posée le 1er juin 2023 par le chef Hubert Watt de la Première Nation de God’s Lake, lors de la deuxième journée du symposium des MKO et de la GRC, le procureur fédéral en chef pour le Manitoba a également déclaré ce qui suit :

En ce qui concerne votre question, et plus particulièrement les règlements administratifs pris en vertu de la Loi sur les Indiens, le Service fédéral des poursuites a toujours refusé d’engager des poursuites à l’égard de ces règlements. Je suppose que la GRC en déduit que, puisque la Couronne n’engage pas de poursuites, elle n’a pas non plus à le faire.

Cependant, le 6 mai 2021, Jeff Preston, inspecteur de la GRC et agent responsable du détachement de Campbell River, en Colombie-Britannique, a déclaré ce qui suit au Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de l’autre endroit :

En général, les règlements administratifs des bandes sont traités comme des lois fédérales qui peuvent être appliquées par la GRC, le service de police compétent ou les agents d’application des règlements administratifs des bandes.

Dans une déclaration faite le 11 mai 2021 au Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de l’autre endroit, le sergent d’état-major Ryan Howe, du détachement de Meadow Lake de la Division F de la GRC, en Saskatchewan, a affirmé que la GRC avait cessé d’appliquer les lois des Premières Nations dans le Nord de la Saskatchewan après 2014.

Dans un échange avec Michael Anderson, le conseiller des MKO en matière de maintien de l’ordre et de sécurité publique, à la suite de la déclaration du sergent d’état-major Howe devant le comité, ce dernier a écrit ce qui suit aux MKO, le 6 mai 2021 :

Après les changements apportés à la loi en décembre 2014, les directives et les orientations données aux détachements de la GRC qui desservent les Premières Nations dans le Nord de la Saskatchewan voulaient qu’en l’absence de poursuites, la police ne procède plus à des arrestations ni à des inculpations.

Le 27 mai 2021, les MKO ont déposé une demande d’accès à l’information officielle afin d’obtenir une copie des directives adressées à la GRC pour qu’elle cesse d’appliquer les lois des Premières Nations après décembre 2014 en l’absence de poursuites. Plus de deux ans plus tard, les MKO continuent de réclamer une réponse de la GRC à leur demande d’accès à l’information concernant cette directive. Quand mon bureau sénatorial a demandé à la GRC de lui fournir cette réponse, avec le consentement des MKO, on lui répondu qu’il faudrait encore un an et demi pour obtenir ces renseignements; on m’a fait comprendre que c’était considéré comme un refus.

Honorables sénateurs, partout au pays, les Premières Nations vivent une crise en matière de sécurité publique et de bien-être qui est alimentée en grande partie par une épidémie de toxicomanie, elle-même alimentée par un trafic de drogue et des activités de contrebande qui sévissent presque impunément tout en apportant leur lot de problèmes aux communautés. Le fait que la GRC et le Service des poursuites pénales refusent et négligent d’assumer leurs responsabilités en ce qui concerne l’application des lois des Premières Nations et les poursuites aux termes de ces lois, notamment en ce qui a trait aux substances intoxicantes, aux interdictions, aux intrusions et aux couvre-feux, contribuent directement à cette crise nationale.

Les dispositions des traités nos 1, 2, 3, 4, 5 et 6 qui interdisent les substances intoxicantes se terminent pourtant par les mots « seront rigoureusement mises à exécution ».

Le devoir de remplir les engagements pris par la Couronne dans le cadre des traités en appliquant rigoureusement les lois des Premières Nations qui interdisent les substances intoxicantes et en intentant des poursuites en cas d’infraction fait clairement partie du mandat et des responsabilités du procureur général du Canada. Le fait que la GRC refuse et néglige d’appliquer rigoureusement les lois des Premières Nations interdisant les substances intoxicantes et le fait que le Service des poursuites pénales n’intente pas de poursuites au nom du procureur général en cas d’infraction constituent des manquements aux promesses et aux engagements du Canada dans le cadre des traités. Ces manquements de longue date qui persistent encore contribuent de façon considérable à la crise nationale en matière de santé et de sécurité publique qui touche les Premières Nations.

Honorables sénateurs, le chef Robert Louie de la Première Nation de Westbank, agissant en sa qualité de président du Conseil consultatif des terres, a écrit au grand chef Settee des MKO le 5 avril 2023 pour appuyer le type de modifications à la Loi sur le directeur des poursuites pénales que les MKO avaient proposées dans leur mémoire sur le projet de loi C-32. Ces modifications figurent maintenant dans le projet de loi S-272, avec l’aval du Conseil consultatif des terres.

Agissant en tant que chef de la Première Nation de Westbank, le chef Louie a également écrit au grand chef Settee des MKO pour lui demander :

J’aimerais que toute modification de la loi fédérale englobe les règlements administratifs pris sous le régime de la Loi sur les Indiens, l’accord-cadre et d’autres accords d’autonomie gouvernementale comme l’Accord d’autonomie gouvernementale de la Première Nation de Westbank.

Chers collègues, en plus de régler la question des régimes actuellement « en suspens » des règlements administratifs pris en vertu de la Loi sur les Indiens et des lois du code foncier, l’adoption du projet de loi S-272 vise à préciser avec une certitude concluante que le Service des poursuites pénales du Canada a le devoir d’engager des poursuites à l’égard :

[...] d’un texte de nature législative édicté par un conseil, un gouvernement ou une autre entité autorisés à agir pour le compte d’une Première Nation en vertu d’un accord sur l’autonomie gouvernementale mis en œuvre par une loi fédérale [...]

(1610)

Le projet de loi S-272 précise également que le Service des poursuites pénales du Canada n’engagera ni ne mènera aucune poursuite :

[...] dans les cas où la première nation qui a pris ou édicté le texte législatif a nommé ou désigné un poursuivant ou a conclu une entente avec un gouvernement provincial ou territorial relativement à la poursuite de ces infractions.

L’adoption du projet de loi S-272 rendra limpide la volonté du Parlement concernant l’engagement de poursuites, au nom du procureur général, par le Service des poursuites pénales du Canada dans le cas d’infractions aux lois adoptées en bonne et due forme par les Premières Nations, à moins que la Première Nation ait conclu une entente relativement à la poursuite des infractions.

Honorables sénateurs, c’est pour moi un honneur de vous informer que j’ai eu le privilège de travailler en étroite collaboration avec les représentants des Manitoba Keewatinowi Okimakanak, ou MKO, et du Conseil consultatif des terres, qui ont joué un rôle de premier plan dans l’élaboration de la version du projet de loi S-272 qui a été soumise à notre examen législatif. C’est un exemple concret de développement conjoint d’une mesure législative qui touche les Premières Nations. Ce type de développement conjoint est conforme aux articles 19 et 38 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et, par conséquent, à la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Les MKO ont affirmé que ce processus d’élaboration conjointe par une sénatrice et des Premières Nations est conforme à la demande d’adopter une approche de nation à nation à l’égard des mesures du gouvernement, en plus de respecter les principes de la réconciliation, comme l’a souligné la vice-première ministre dans sa réponse à la question du sénateur Loffreda à propos du projet de loi C-32 lors d’une réunion du comité le 7 décembre 2022.

De plus, les MKO ont récemment participé à un exercice d’élaboration conjointe de mesures législatives avec le ministre de la Justice du Manitoba pour chapeauter la présentation, l’examen et l’adoption — le 30 mai 2023 — de modifications à la Loi sur les infractions provinciales. Ces modifications créeront, pour la première fois au Manitoba, un régime de contraventions pour les lois des Premières Nations. Des lois provinciales similaires pour créer ce type de régime ont été défendues par des Premières Nations et ont été adoptées en Alberta, le 9 décembre 2020, et en Saskatchewan, le 11 mai 2023.

Avec l’adoption des modifications à la Loi sur le directeur des poursuites pénales prévues dans le projet de loi S-272, ces régimes provinciaux de contraventions pour les lois des Premières Nations accroîtront de façon marquée la capacité du Service des poursuites pénales du Canada d’intenter des poursuites en vertu des lois des Premières Nations en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba.

Les efforts que déploie le grand chef Settee, des MKO, pour obtenir la reconnaissance, le respect et l’application, par les forces de l’ordre et le système de justice, des lois des Premières Nations ont notamment mené à la conclusion d’un protocole d’entente avec la directrice des poursuites pénales et le commandant de la division D de la GRC, au Manitoba, concernant l’application, par les forces de l’ordre et le système de justice, des règlements administratifs adoptés en vertu des articles 81 et 85.1 de la Loi sur les Indiens.

Le protocole d’entente renouvelé est entré en vigueur le 30 juin 2023 pour une période d’essai de deux ans, conformément à ce qu’avait proposé la directrice des poursuites pénales dans sa lettre au grand chef Settee datée du 9 mars 2023 :

Je propose également que les représentants de mon service collaborent avec votre organisme et d’autres parties intéressées pendant ces trois mois afin de discuter de la possibilité de créer un programme pilote élargi permettant aux forces de l’ordre et au système de justice d’appliquer des règlements administratifs pris en vertu de la Loi sur les Indiens autres que ceux liés à la pandémie de COVID-19.

Ce genre de programme pilote ne serait pas une solution permanente, mais plutôt une occasion de développer conjointement le travail réalisé à ce jour en dehors de la crise provoquée par la pandémie.

En outre, ce serait une occasion de recueillir des données probantes et d’acquérir de l’expérience en vue d’éclairer la recherche de solutions afin de mieux servir vos collectivités à long terme.

Selon les MKO, le projet pilote de deux ans auquel ils participent avec le Service des poursuites pénales du Canada et la GRC — projet concernant l’application des règlements de la Loi sur les Indiens et la poursuite des contrevenants à ces règlements au moyen du protocole — est propre au Canada et s’applique uniquement aux 23 Premières Nations représentées par les MKO qui ont des pouvoirs législatifs et qui choisissent d’y participer. Étant donné qu’il y a 634 Premières Nations au Canada, seulement 3,6 % des Premières Nations au pays ont l’occasion de voir la GRC appliquer les règlements de la Loi sur les Indiens et le Service des poursuites pénales du Canada intenter des poursuites relatives à des infractions à ces règlements au moyen d’un protocole similaire.

En outre, le protocole ne vise pas toutes les lois des Premières Nations. Par conséquent, il n’aborde pas l’application d’une loi des Premières Nations promulguée au titre d’un code foncier ou par une Première Nation qui a conclu un accord d’autonomie gouvernementale et n’aborde pas la poursuite des contrevenants à cette loi.

Les Premières Nations se sont battues pour changer l’histoire que le Canada a proclamée la leur. L’effet délétère de la suppression de l’autodétermination et les conséquences horribles qui en découlent représentent l’histoire d’un milieu qui a été rendu vulnérable et non pas celle de Premières Nations brisées. Dans l’article intitulé « Indian Act Colonialism: A Century of Dishonour, 1869-1969 », l’auteur John Milloy dit :

[...] en 1836, le procureur général du Haut-Canada, R. Jamieson, a fourni des éléments montrant que continuait [la norme constitutionnelle de la Proclamation de 1763]. Il écrit que les Premières Nations « se gouvernent par elles-mêmes, au sein de leurs communautés, en fonction de leurs lois et de leurs coutumes ». Bref, les Premières Nations jouissaient d’une autonomie gouvernementale dans les domaines reconnus comme relevant de leur compétence, y compris tout ce qui touchait les affaires internes. Cela a continué jusqu’à la Loi sur les Indiens de 1869 [...] [quand] l’autonomie gouvernementale des Premières Nations a été sacrifiée en faveur du devoir d’assimilation déclaré par Macdonald.

En 1867, avec l’adoption de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique [...] la Couronne impériale a cédé la place au gouvernement fédéral, les colonies sont devenues des provinces et les Premières Nations dotées d’une autonomie gouvernementale sont demeurées, pendant une brève période, le troisième ordre de gouvernement. [...] la loi [...] de 1869 — intitulée « Acte pourvoyant à l’émancipation graduelle des Sauvages, à la meilleure administration des affaires des Sauvages » — visait un objectif d’assimilation. [...] l’Acte a aboli les formes traditionnelles de gouvernement et les a remplacées par un système électoral réservé aux hommes qui était en grande partie régi par l’agent des Indiens de la région. [...] le pouvoir qu’avait le conseil d’élaborer des lois à l’intention de sa collectivité a été à ce point restreint qu’on ne pouvait plus vraiment dire que ces nations avaient une autonomie gouvernementale.

Au début des années 1980, la Charte des droits et libertés comportait une section prévoyant la protection constitutionnelle des droits ancestraux ou issus de traités. En novembre 1983, le Comité spécial de la Chambre des communes sur l’autonomie politique des Indiens présentait ses conclusions et demandait d’étendre les pouvoirs des gouvernements des Premières Nations, ce qui, dans certains cas, irait au-delà du modèle municipal classique.

Dans les années 1990, le ministère des Affaires indiennes annonçait une politique sur le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale. En 2023, nous avons désormais la Loi sur la gestion des terres des premières nations. Il est temps de mettre fin aux 247 années de gestion formelle des Indiens, laquelle est encore aux prises avec une question indienne qu’on a créée de toutes pièces et qui, en fin de compte, était une loi raciste.

(1620)

J’invite tous les sénateurs à appuyer pleinement l’autodétermination et les pouvoirs législatifs accrus de toutes les Premières Nations du Canada que le Parlement prévoit dans le projet de loi C-428 — pour les Premières nations qui choisissent d’exercer le pouvoir législatif prévu par le projet de loi C-49 et celles qui les exercent dans le cadre d’un accord d’autonomie gouvernementale conclu entre une Première Nation et le Canada.

J’exhorte mes collègues à appuyer pleinement et d’adopter le projet de loi S-272, qui modifie la Loi sur le directeur des poursuites pénales et qui précise et confirme de manière concluante le pouvoir du Service des poursuites pénales du Canada d’engager et de mener des poursuites visant des infractions punissables prévues par les textes législatifs de premières nations au nom du procureur général du Canada.

Le fait de renvoyer sans tarder les projets de loi S-271 et S-272 au comité, afin qu’il se penche sur le bourbier qui persiste à susciter l’incertitude dans la vie des Autochtones contribuerait à redonner ce qui n’aurait jamais dû être retiré.

Kinanâskomitin, meegwetch, mahsi’cho, merci.

(Sur la motion de la sénatrice McPhedran, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur le réseau de digues de l’isthme de Chignecto

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Jim Quinn propose que le projet de loi S-273, Loi déclarant le réseau de digues de l’isthme de Chignecto et ses ouvrages connexes comme étant des ouvrages à l’avantage général du Canada, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour discuter du projet de loi S-273, Loi déclarant le réseau de digues de l’isthme de Chignecto et ses ouvrages connexes comme étant des ouvrages à l’avantage général du Canada.

L’avantage général du Canada est certainement un principe fondamental pour les ouvrages qui servent l’intérêt national. Le réseau de digues de l’isthme de Chignecto, qui retient les eaux de la baie de Fundy, est manifestement un ouvrage d’intérêt national qui est à l’avantage général du Canada. C’est non seulement parce qu’il s’agit d’une infrastructure essentielle, mais aussi parce qu’il est urgent de s’adapter à l’élévation du niveau de la mer et à l’augmentation de la fréquence des tempêtes violentes causées par les changements climatiques.

Pour la gouverne des sénateurs qui ne savent pas où se trouve l’isthme de Chignecto, c’est l’étroite bande de terre située principalement le long de la rivière Missaguash, qui forme la frontière entre la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick. L’isthme lui-même est un corridor commercial vital par où transitent 35 milliards de dollars de marchandises et par où passent 15 000 véhicules par jour et des centaines de milliers de personnes chaque année. Le corridor commercial est le point de passage obligé pour une compagnie de chemin de fer nationale, l’autoroute Transcanadienne et des lignes de fibres optiques qui relient des câbles transatlantiques.

Sans le réseau de digues de l’isthme de Chignecto, toutes ces infrastructures qui soutiennent la prospérité économique du Canada, le commerce interprovincial, le commerce international et les communications seraient menacées par les inondations. Plus important encore peut-être, ces digues protègent les dizaines de milliers de Canadiens qui vivent et travaillent sur cet isthme et dans ses environs. Elles protègent également les terres agricoles essentielles à la sécurité alimentaire, dont l’importance est souvent soulignée ici compte tenu de la disparition des exploitations et des terres agricoles au Canada.

L’isthme de Chignecto est une région marquée par l’histoire et d’un grand intérêt national. Dans les années 1600, les Acadiens ont construit l’une des premières infrastructures essentielles du Canada. La construction du premier réseau de digues visait à protéger la baie de Fundy des puissantes marées de cette région, dont le flux et le reflux quotidien dépassent les 50 pieds. Ces digues sont également essentielles à la protection et à l’amélioration de la production agricole dans cette région.

L’isthme fait partie intégrante de l’histoire de notre pays. Les Pères de la Confédération de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau‑Brunswick ont permis à leurs provinces d’intégrer la Confédération notamment en raison de l’article 145 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui imposait au gouvernement fédéral d’achever la construction du chemin de fer Intercolonial entre la Nouvelle-Écosse et le Québec.

Sénateurs, ce sont les mêmes Pères de la Confédération qui ont jugé bon de donner au Parlement le pouvoir déclaratoire d’aider à déterminer quels travaux sont dans l’intérêt national en effectuant un transfert de compétence.

Voici une question qu’il est compréhensible de soulever : pourquoi recourir au pouvoir déclaratoire maintenant pour ce projet alors que ce n’était pas nécessaire dans le passé? Chers collègues, la réponse est malheureusement simple : les Canadiens des Maritimes et d’ailleurs au pays qui vivent près des côtes sont confrontés à la triste réalité que nous ne sommes plus en mesure de prévenir le changement climatique, mais que nous devons plutôt nous y adapter. Les Pères de la Confédération ont eu connaissance de la tempête Saxby Gale de 1869, qui a entraîné le pire déferlement côtier jamais documenté avec des marées dépassant de cinq à sept pieds les niveaux habituels enregistrés deux fois par jour dont j’ai parlé plus tôt. Cette tempête a dévasté la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick, particulièrement l’isthme de Chignecto. Elle a également causé l’effondrement de digues de 25 pieds, ravagé des terres cultivées et tué du bétail et des Canadiens qui vivaient dans l’isthme.

Honorables sénateurs, on prévoit maintenant que ce genre d’événement rare à l’époque sera beaucoup plus fréquent. Un rapport de 2020 préparé à la demande du gouvernement du Nouveau-Brunswick indique que l’inondation des côtes deviendra plus fréquente à cause de l’élévation du niveau de la mer et que, dans l’avenir, même les systèmes de tempête de faible intensité entraîneront des inondations comme les tempêtes les plus violentes du passé.

Dans la région de l’isthme de Chignecto, le niveau de la mer s’élève rapidement. D’après mon expérience à titre de PDG du port de Saint John, je peux dire que lorsque je suis arrivé en poste en 2010, il était inhabituel de voir de l’eau sur les quais. Or, 11 ans plus tard, quand j’ai quitté ce poste, c’était devenu fréquent.

Le gouvernement fédéral doit maintenant prendre d’autres mesures. Le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-Édouard ne prétendent pas que toutes les mesures d’adaptation aux changements climatiques doivent relever de la compétence fédérale. Le réseau de digues de l’isthme de Chignecto est une série d’ouvrages distincts et invisibles qui doit être prise en compte comme étant plus grande que la simple somme de ses parties.

Les gouvernements des provinces de l’Atlantique collaborent régulièrement, car cela témoigne de notre histoire et de notre culture communes. Nous nous préoccupons avant tout de faire ce qui s’impose plutôt que de savoir s’il est de notre responsabilité de le faire. Nous n’aimons pas imaginer une situation où les provinces de l’Atlantique ne s’entendraient pas. Cependant, que se passerait-il si le Nouveau-Brunswick s’opposait à accorder la priorité au renforcement des digues à Chignecto? Cette décision aurait une incidence directe sur l’Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador, ainsi que sur le reste du Canada, qui dépend de ce corridor commercial essentiel.

Cet exemple met en évidence la nécessité que l’isthme de Chignecto relève de la compétence fédérale.

De plus, il faut se rappeler que les marchandises qui sont acheminées vers Terre-Neuve le sont en grande partie par voie maritime et que les navires qui transportent les marchandises nécessaires à toute cette île traversent l’isthme.

Comme je l’ai mentionné dans cette enceinte en juin dernier, le Conseil des premiers ministres de l’Atlantique a publié un communiqué demandant au gouvernement du Canada de créer un nouveau programme d’infrastructure afin de faire face aux répercussions des changements climatiques et de construire des infrastructures qui soutiennent la croissance économique. Les premiers ministres ont fait valoir dans leur communiqué que l’isthme de Chignecto est un corridor vital qui est menacé par l’élévation du niveau de la mer; ils ont réitéré que le gouvernement fédéral a la responsabilité constitutionnelle de maintenir les liens entre les provinces et qu’il doit donc financer entièrement ce projet.

Les Pères de la Confédération, dans leur sagesse, ont accordé au Parlement, au moyen de l’alinéa 92(10)c) de la Loi constitutionnelle de 1867, un pouvoir quasi judiciaire distinct lui permettant d’élaborer une politique — oserais-je dire de poser un jugement politique — pour renforcer la compétence en matière d’ouvrages et transférer ces derniers des provinces au fédéral. La question qui se pose aujourd’hui au Sénat est de savoir si le réseau de digues de l’isthme de Chignecto est d’intérêt général pour le Canada. En d’autres termes, le projet proposé est-il si important pour l’intérêt national qu’il justifie le transfert de compétences au gouvernement fédéral aux fins de la remise en état du réseau de digues? La réponse, honorables sénateurs, est « oui ».

Sénateurs, je tiens à préciser que le projet de loi S-273 n’est pas un projet de loi de finances et qu’il n’oblige pas le gouvernement du Canada à dépenser de l’argent. La réponse à la demande des premiers ministres des provinces de l’Atlantique voulant que le gouvernement du Canada finance entièrement tout programme de restauration de l’isthme de Chignecto est une décision politique.

En ce moment, le gouvernement du Canada offre un financement de 50 % par l’entremise du Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes. La restauration des digues devrait coûter 650 millions de dollars. À mon avis, ce financement de 50 % est insuffisant compte tenu du fait qu’il s’agit d’un projet qui est dans l’intérêt national. Par ailleurs, dans les faits, en vertu du programme d’infrastructure actuel, le Nouveau-Brunswick va consacrer beaucoup plus d’argent à la réparation de digues situées dans cette province, mais qui bénéficient davantage aux autres provinces de l’Atlantique. Par conséquent, je répète que cela justifie que le Parlement invoque le pouvoir déclaratoire.

Chers collègues, le recours au pouvoir déclaratoire est globalement bénéfique au gouvernement fédéral, car il lui permet de créer une exception à la politique de financement de 50 %. On nous dit souvent — et je peux en témoigner en tant qu’ancien dirigeant principal des finances au gouvernement du Canada — que la compétence est la première ligne de défense pour un gouvernement qui ne souhaite pas participer à un dossier en particulier, surtout dans le monde complexe des relations fédérales, provinciales et territoriales.

Toutefois, chers collègues, comme il s’agit d’un corridor commercial essentiel à la sécurité économique du Canada, une exception serait de mise. En l’occurrence, il y a le précédent du nouveau pont Champlain, pour lequel le gouvernement a déjà invoqué le pouvoir déclaratoire.

(1630)

Chers collègues, en 2014, le Parlement a adopté la Loi visant le nouveau pont sur le Saint-Laurent, qui prévoit que le pont Champlain et les ouvrages connexes sont à l’avantage général du Canada. Le nouveau pont Champlain relie l’île de Montréal et la rive sud du fleuve Saint-Laurent. Ce pont est un corridor économique vital. En effet, 50 millions de véhicules — des voitures, des autobus et des camions — y circulent chaque année, ce qui est primordial pour les échanges commerciaux interprovinciaux, dont on estime la valeur annuelle à 20 milliards de dollars. C’est un lien d’une importance cruciale pour les déplacements de marchandises et de personnes ainsi que pour l’économie canadienne globale. Le réseau de digues de l’isthme de Chignecto remplit un rôle similaire. Sa présence est essentielle.

Je tiens à rappeler aux honorables sénateurs que le nouveau pont Champlain a coûté 4,2 milliards de dollars et qu’il a été payé exclusivement par le gouvernement fédéral. De plus, comme le sénateur Downe le sait, la décision du gouvernement actuel de supprimer le péage a entraîné une perte de revenus d’au moins 3 milliards de dollars pour les 30 premières années. Ces montants revenaient au gouvernement du Québec, mais c’est le gouvernement du Canada qui paie la facture.

Fait d’une importance cruciale, le gouvernement du Québec n’a pas couvert 50 % des coûts parce que le Parlement du Canada a utilisé son pouvoir déclaratoire pour déclarer que le corridor commercial en question était d’intérêt national, et qu’il a donné au gouvernement fédéral le pouvoir d’assumer 100 % des coûts. Il est donc juste et raisonnable d’offrir des ententes semblables à d’autres parties de la fédération lorsque l’intérêt national est en jeu.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-273 vise deux objectifs : jouer un rôle de sensibilisation ici, au Parlement, et tracer clairement la voie à suivre. Les Canadiens de l’Atlantique savent déjà trop bien que, en raison du petit nombre d’habitants de leurs provinces, ils ont moins de sièges à la Chambre des communes. Résultat : il arrive trop souvent que leurs préoccupations ne soient pas entendues.

En raison de la Grande Dépression et de la Deuxième Guerre mondiale, le réseau de digues de Chignecto a commencé à se dégrader, ce qui a entraîné la création de petites brèches dans les digues. En 1943, le directeur des fermes expérimentales fédérales, le Néo-Écossais E.S. Archibald, a écrit à de hauts fonctionnaires du gouvernement fédéral qu’il fallait agir étant donné l’urgence créée par la guerre :

Les brèches des digues mettent en péril les routes et les voies ferrées dans de nombreux secteurs. Si de fortes marées emportent des sections de la voie ferrée ou de la route, cela pourrait nuire considérablement au transport des soldats et du matériel militaire.

Honorables sénateurs, comment peut-on soutenir que l’isthme de Chignecto, vital pour les efforts de guerre du Canada en Europe, ne soit pas d’intérêt national? La demande de M. Archibald n’a d’abord été financée qu’à hauteur d’un tiers. Toutefois, les habitants des Maritimes n’ont cessé de plaider en faveur de l’équité régionale, faisant valoir que le gouvernement fédéral avait déjà adopté la Loi sur le rétablissement agricole des Prairies pour faire face aux menaces environnementales pesant sur la production agricole dans l’Ouest du Canada.

Les députés et les sénateurs des Maritimes ont défendu l’idée que ce programme devait être étendu à l’ensemble du pays et inclure également des mesures d’atténuation des inondations. Ces efforts ont abouti, en 1948, à l’adoption de la Loi sur l’utilisation des terrains marécageux des provinces Maritimes. En vertu de cette loi, le gouvernement fédéral a pleinement financé le réseau de digues de l’isthme de Chignecto pour retenir les eaux de la baie de Fundy. Chers collègues, il est donc paradoxal que le gouvernement fédéral n’offre aujourd’hui que 50 % du financement pour les structures qu’il a entièrement financées dans les années 1940 et 1950.

Dans un document publié en 1951, le directeur de l’Administration de l’utilisation des terrains marécageux des provinces maritimes, un organisme fédéral, fait un survol historique et indique que les digues protégeaient non seulement l’agriculture, mais aussi les services des villes et des villages, les voies ferrées et les autoroutes, ce qui les rendait essentielles, soulignant une fois de plus l’intérêt national.

Tout comme l’engagement constitutionnel du gouvernement du Canada de construire le chemin de fer Intercolonial a joué un rôle déterminant dans l’entrée de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick dans la Confédération, la création du Sénat a également joué un rôle clé dans l’entrée des Maritimes dans l’union élargie.

Le Sénat sert de porte-parole aux régions. Je ne suis pas le seul à demander votre appui pour renvoyer ce projet de loi au comité. Terre-Neuve-et-Labrador, l’Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse demandent également que le gouvernement fédéral reconnaisse la vulnérabilité de l’isthme de Chignecto et qu’il fournisse un financement additionnel. Le projet de loi S-273 vise précisément ce but en éliminant les obstacles stratégiques.

Pour ceux d’entre vous qui sont préoccupés par le fait d’invoquer le pouvoir déclaratoire à cette étape-ci, je suggère de passer de la préoccupation à la curiosité. Je répète que je vous demande simplement d’appuyer le renvoi du projet de loi au comité dans les meilleurs délais pour que nous, en tant que sénateurs, puissions examiner la question de plus près.

Le Canada atlantique est un partenaire égal au sein de la Confédération. Force est de reconnaître que les problèmes qui affectent les Canadiens de l’Atlantique relèvent de l’intérêt national. Je presse tous mes collègues du Parlement du Canada de renvoyer le projet de loi S-273 au comité.

Merci.

Son Honneur la Présidente : L’honorable sénateur MacDonald, avec l’appui de l’honorable sénateur Housakos, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(Sur la motion du sénateur MacDonald, le débat est ajourné.)

Règlement, procédure et droits du Parlement

Cinquième rapport du comité—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l’étude du cinquième rapport (provisoire) du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, intitulé Équité entre les partis reconnus et les groupes parlementaires reconnus, déposé au Sénat le 9 mars 2023.

L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, j’aimerais parler du cinquième rapport du Comité sénatorial permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. Le débat a été ajourné au nom de notre présidente, la sénatrice Bellemare. Elle a aimablement accepté que je prenne la parole aujourd’hui, après quoi, je crois, elle acceptera l’ajournement du débat et demandera qu’on reprenne le compte des jours à zéro.

Je voudrais vous faire part de quelques réflexions sur le cinquième rapport du Comité sénatorial permanent du Règlement, des procédures et des droits du Parlement. Le rapport est bref, puisqu’il fait moins d’une page si on ne compte pas les annexes. Brièveté et clarté ne vont toutefois pas toujours de pair. Voilà pourquoi je voudrais prendre quelques minutes pour souligner ce que je considère comme étant sa conclusion la plus importante.

Permettez-moi tout d’abord de rappeler le contexte.

L’objet de notre étude était de déterminer les modifications à apporter au Règlement pour assurer l’équité entre les partis reconnus et les groupes parlementaires reconnus. J’avais déposé une motion, en février 2020, proposant une série de modifications du Règlement à cette fin, que le sénateur Tannas a légèrement modifiée en juin. La motion est morte au Feuilleton à la fin de la 43e législature.

Ce qu’on appelle la motion Woo-Tannas a fourni un point de départ à notre étude, car elle indiquait une foule de dispositions du Règlement du Sénat qui ne tiennent pas compte de l’équité entre les groupes et les caucus. Par exemple, le représentant du gouvernement au Sénat et le leader de l’opposition disposent d’un temps de parole illimité dans les débats, tandis que les leaders et les facilitateurs des autres groupes ne disposent que de 15 minutes.

En ce qui concerne les votes par appel nominal au Sénat, le bureau du représentant du gouvernement et l’opposition sont les seuls à avoir leur mot à dire sur la durée de la sonnerie ou sur la possibilité de reporter le vote, ce qui exclut les autres groupes parlementaires reconnus.

En ce qui concerne les comités qui veulent se réunir en dehors des jours de séance du Sénat, y compris le premier lundi après une pause, seuls le gouvernement et l’opposition ont le pouvoir d’accorder leur consentement à cette fin. Combien de fois avons‑nous dû faire face à une situation où les membres d’un comité étaient prêts à se réunir, mais l’opposition a imposé son veto?

Je n’ai pas à vous rappeler que les sénateurs du bureau du représentant du gouvernement et du Parti conservateur représentent moins de 20 % de l’ensemble des sénateurs, et pourtant, leurs leaders ont le pouvoir de prendre des décisions qui nous concernent tous.

Aujourd’hui, la grande majorité des sénateurs sont non partisans. Nous sommes répartis entre trois différents groupes et certains d’entre nous siègent en tant que sénateurs non affiliés. Nous ne faisons pas partie du gouvernement. Nous faisons plutôt partie de ce que cette institution appelle traditionnellement « l’opposition ».

Il y en a cependant qui nous refuseraient la possibilité d’exercer pleinement nos droits en tant que sénateurs ne faisant pas partie du gouvernement. Ils voudraient que nous soyons des sénateurs de deuxième classe, autorisés de temps à autre à s’asseoir aux premières loges, mais uniquement avec leur consentement. On a proposé les modestes changements apportés au Règlement du Sénat et à la Loi sur le Parlement du Canada à contrecœur et avec condescendance, en se disant « noblesse oblige ». On nous rappelle constamment à quel point nous devrions être reconnaissants de ce qui nous a déjà été accordé et pourquoi nous ne devrions pas nous attendre à une égalité totale.

(1640)

C’est le cas du cinquième rapport du Comité du Règlement. Il s’agit, à bien des égards, d’un « non-rapport », car il ne propose aucune solution à l’inégalité manifeste du Règlement du Sénat. Il faut dire que le comité n’a pas été en désaccord sur les règles qui consacrent l’inégalité de traitement des groupes du Sénat. On peut le constater à l’annexe 2 du rapport. Une majorité de membres aurait soutenu la modification de ces règles, mais le comité dans son ensemble n’a pas été en mesure de procéder à ces changements en raison de l’insistance d’un groupe à maintenir sa position privilégiée au sein du Sénat.

Je cite le rapport :

[...] l’Opposition au Sénat considère que son rôle d’opposition vient avec certains droits dans les règles et procédures de fonctionnement du Sénat;

Attendu que d’autres groupes parlementaires reconnus considèrent qu’ils doivent avoir les mêmes droits que l’Opposition dans les règles et procédures de fonctionnement du Sénat; [...]

Pour paraphraser, un groupe de sénateurs pense qu’il devrait avoir des pouvoirs que d’autres groupes n’ont pas.

Je parle bien sûr du caucus conservateur qui se proclame l’opposition officielle au Sénat, même si rien de tel n’existe dans le Règlement du Sénat ou dans la Loi sur le Parlement du Canada. La Présidente l’a confirmé dans la décision qu’elle a récemment rendue à la suite de mon rappel au Règlement. Pourtant, certains sénateurs conservateurs continuent d’utiliser cette appellation — en fait, ce sont les mêmes sénateurs qui prétendent être les grands défenseurs de la tradition parlementaire.

Cette distorsion délibérée de notre terminologie donne une impression de désespoir, mais son effet est pire encore en raison de la prémisse sous-jacente voulant que le travail d’opposition des conservateurs soit supérieur à celui des sénateurs non partisans. Quel est ce style d’opposition supposément supérieur? Je vais citer le sénateur Plett qui, en réponse à ma question sur un discours qu’il a prononcé sur la Loi de l’impôt sur le revenu — un discours truffé de contradictions et d’incohérences —, a dit ce qui suit :

Je prononce un discours qui est en opposition avec ce que fait le gouvernement, et je n’ai pas à défendre cela.

Le sénateur Plett a raison de dire qu’il n’a pas à défendre un discours dont le seul but est de s’opposer, mais, chers collègues, ce n’est pas ce qu’est un « second examen objectif » et ce n’est certainement pas la forme d’opposition qui devrait être privilégiée par notre institution.

Les conservateurs prétendent être la véritable opposition au Sénat, leur but étant cependant de former le gouvernement après les prochaines élections. C’est la prérogative des partisans politiques, mais cela ne reflète pas le Sénat du Canada d’aujourd’hui, qui est composé, en grande majorité, de sénateurs non partisans. Alors que les sénateurs conservateurs formeront l’opposition pour aussi longtemps que leur parti ne sera pas au pouvoir, nous, les sénateurs restants, demeurerons indépendants du gouvernement, quel que soit le parti au pouvoir. Comment pouvons-nous prendre au sérieux l’affirmation selon laquelle la véritable opposition au Sénat est le groupe qui abandonnera ce titre dès qu’il en aura l’occasion?

Honorables collègues, évidemment, nous pouvons avoir des points de vue différents par rapport à la définition d’« opposition », mais je suis convaincu que les sénateurs qui demeurent indépendants malgré les changements de gouvernement reflètent une compréhension davantage fondée sur des principes et plus cohérente de ce que cela signifie que d’être l’opposition à la Chambre haute non élue.

En conclusion, permettez-moi de rappeler comment nous en sommes arrivés là et d’expliquer pourquoi nous devons trouver une solution. Au cours des discussions au sujet de la motion qu’on appelle la motion Woo-Tannas, certains sénateurs ont affirmé que les modifications au Règlement devraient d’abord être étudiées par le Comité du Règlement avant que le Sénat soit appelé à se prononcer à leur sujet. Eh bien, la motion Woo-Tannas a été étudiée par le Comité du Règlement pendant des mois et ce dernier n’a pas réussi à dénouer la situation — pas parce que la plupart des sénateurs ne s’entendent pas au sujet des changements qu’il convient d’apporter au Règlement, mais parce qu’un groupe de sénateurs, qui représente moins de 15 % des sénateurs, ne croit pas en l’égalité de tous les groupes présents au Sénat. C’est le nœud du problème et c’est pour cette raison que je demande à tous les sénateurs de réfléchir aux prochaines étapes qui nous permettront de répartir plus équitablement les pouvoirs entre les groupes de sénateurs. Merci.

L’honorable Leo Housakos : Le sénateur Woo accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Woo : Oui.

Le sénateur Housakos : Sénateur Woo, j’ai deux questions brèves. Premièrement, comment pouvez-vous prétendre que le gouvernement — c’est-à-dire, le premier ministre élu qui nomme les sénateurs et qui nommerait les sénateurs du gouvernement appelés à former l’opposition — pourrait nommer à la fois les représentants du gouvernement et les représentants de l’opposition?

Deuxièmement, comment le Sénat, qui est formé de parlementaires nommées — il reste très peu de ce type d’entités dans les démocraties parlementaires contemporaines —, pourrait-il faire abstraction complète de la volonté démocratique exprimée pour élire les parlementaires à l’autre endroit au moment de choisir le gouvernement et l’opposition au Sénat et ainsi aller à l’encontre d’une tradition qui date de 1867?

Le sénateur Woo : Merci de vos questions, sénateur Housakos. Pour répondre d’abord à la deuxième question, je dirai que nous ne sommes pas élus. La composition du Sénat ne reflète pas la volonté du public. Par conséquent, votre argument concernant le fait de négliger la volonté exprimée dans l’autre Chambre n’est pas pertinent.

En ce qui concerne votre question sur les deux nominations — et je n’ai pas très bien compris la logique de votre question telle qu’elle était formulée —, dans la mesure où vous demandez comment le bureau du représentant du gouvernement peut être nommé, je laisserai le bureau fournir lui-même des explications. Je parlerai en mon nom et au nom des 80 autres sénateurs qui siègent en tant que sénateurs non partisans pour dire que nous ne faisons clairement pas partie du gouvernement. En affirmant sans cesse que nous faisons partie du gouvernement, vos collègues et vous nous insultez, car cela va à l’encontre de ce que nous pensons être. Nous n’avons pas besoin d’expliquer davantage pourquoi nous ne faisons pas partie du gouvernement, car il est écrit noir sur blanc dans les registres du Sénat que nous siégeons en tant que sénateurs indépendants dans trois groupes différents qui sont non partisans.

Le sénateur Housakos : Sénateur Woo, dans le régime de Westminster, il y a ce qu’on appelle la responsabilité parlementaire. Vous ne pouvez pas dire que la Chambre élue de notre système parlementaire n’est pas pertinente. Personne ne sera d’accord. Votre responsabilité, ainsi que la mienne et celle de toutes les personnes ici présentes, découle de la Chambre élue. En fin de compte, comme nous le disons depuis le début, pour permettre au Sénat de fonctionner comme il a toujours fonctionné, l’opposition, telle que l’a choisie la population lors des élections, détermine les membres du parti dans cette enceinte qui représenteront l’opposition, alors que le côté du gouvernement est déterminé lors d’une élection générale, lorsque la population choisit le parti au pouvoir, y compris toutes ses personnes nommées.

Je rappelle la grande question : si le processus démocratique à l’autre endroit n’engage pas votre responsabilité, alors envers qui êtes-vous responsables?

Le sénateur Woo : Nous avons une responsabilité à l’égard du serment que nous avons prêté lorsque nous sommes devenus des sénateurs.

En ce qui concerne le point selon lequel la Chambre a une incidence sur le fait que nous soyons ou non du côté du gouvernement, cela n’a aucun rapport. Nous sommes ici en tant que membres non élus. Ceux d’entre nous qui se disent indépendants ne font partie ni du gouvernement ni d’un parti politique.

Vous mentionnez constamment le régime de Westminster, comme s’il n’en existait qu’une seule version. Pourtant, ici même au Sénat, l’étude du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat sur les systèmes de Westminster a permis de déterminer qu’il existe de nombreux types de démocraties parlementaires fondées sur le modèle de Westminster. Cette étude a clairement démontré que le Sénat du Canada est une forme unique de démocratie parlementaire fondée sur le modèle de Westminster et que notre Chambre haute a le pouvoir de déterminer son style de démocratie parlementaire fondée sur le modèle de Westminster. Vous faites preuve d’un manque de respect à l’égard de notre institution en niant que c’est le cas, car nous avons appuyé ce rapport, nous avons déclaré qu’il est exact et nous avons pris au Sénat des décisions qui le font fonctionner autrement.

(1650)

L’honorable Ratna Omidvar : Sénateur Woo, vos remarques sur l’attente de reconnaissance sans l’octroi en retour d’un traitement égal m’a vraiment fait réagir. En effet, quand je suis devenue citoyenne canadienne, en 1985, bon nombre de personnes m’ont dit que je devais être reconnaissante. Or, la reconnaissance est un piètre substitut à l’égalité.

Je relie mes remarques à vos observations sur le rapport du Comité du Règlement. Je suis membre de ce comité, mais l’étude dont vous parlez a été menée avant que je m’y joigne.

Tous les comités sénatoriaux font un travail important, qu’il s’agisse de celui-là ou d’autres comités, tels que ceux des affaires juridiques, des affaires sociales et de la régie interne. D’après mon expérience au Sénat, les comités votent lorsqu’une décision doit être prise. Selon ce que j’ai compris de votre discours, même si la majorité des membres du Comité du Règlement appuyait la motion, on n’a pas tenu compte de cet appui puisqu’il n’était pas unanime.

Comment le Comité du Règlement conçoit-il le consensus? Celui-ci est-il simplement synonyme d’accord unanime? Est-ce donc le plus petit dénominateur commun?

Le sénateur Woo : Je vous remercie, sénatrice Omidvar, de votre question. Le consensus se définit comme un accord général. Il ne s’agit pas d’un accord unanime. On utiliserait un autre terme pour définir un tel concept.

Pour ce qui est de la façon d’arriver à un consensus...

Son Honneur la Présidente : Sénateur Woo, votre temps de parole est écoulé. Voulez-vous terminer votre réponse?

Le sénateur Woo : J’aimerais le faire si mes collègues acceptent de m’accorder plus de temps.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé?

Des voix : D’accord.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : J’ai entendu un « non ».

(Sur la motion de la sénatrice Bellemare, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Sénat

Motion tendant à demander au gouvernement d’accélérer la mise en œuvre des solutions numériques qui transforment l’expérience des Canadiens en matière de prestation des services publics—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Deacon (Nouvelle-Écosse), appuyée par l’honorable sénateur Smith,

Que le Sénat demande au gouvernement du Canada de remplacer ses systèmes de prestation de programmes et de technologie de l’information désuets en accélérant, de toute urgence, la mise en œuvre de solutions numériques axées sur les usagers qui transforment l’expérience des Canadiens en matière de prestation des services publics et, en fin de compte, réduisent le coût de la prestation des programmes.

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Je prends la parole aujourd’hui pour parler de la motion no 107, présentée par notre collègue le sénateur Deacon. Même si je n’ai pas son grand intérêt ni son expertise en matière numérique — loin de là! —, je soutiens ses efforts et son objectif en vue de rendre la prestation de nos services publics plus efficace et plus accessible.

[Traduction]

Je dois d’abord avouer que, quand j’ai vu la motion du sénateur Deacon, je me suis immédiatement dit : « Je vais enfin pouvoir lancer une diatribe contre les sites Web du gouvernement. » Toutefois, je me suis ensuite dit que ce ne serait pas très constructif compte tenu de ce que la motion vise à faire.

Par contre, je dirais que nous sommes placés devant une sorte de paradoxe. En votant en faveur de la motion — ce que je ferai —, nous demandons au gouvernement d’en faire davantage dans un domaine où il a été plutôt mauvais. J’aurais envie de passer 10 minutes à critiquer le dysfonctionnement de certains des services en ligne, mais je vais résister à la tentation.

Réfléchissez seulement aux deux anecdotes suivantes. La première provient d’une famille de résidents permanents du Canada qui vivent à Montréal. Il s’agit d’immigrants d’Europe de l’Est. Les deux membres du couple sont ingénieurs en télécommunications. Ils ont deux enfants. Ils vivent au Canada depuis quelques années et ont récemment dû renouveler leur carte de résident permanent alors qu’ils s’apprêtaient à demander la citoyenneté canadienne. Il s’agissait d’une formalité. Ils se sont donc rendus sur le site Web d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, puis ils ont commencé à remplir les formulaires en ligne pour leur famille de quatre personnes. Il s’agit de demandes assez complexes, même pour les gens qui sont déjà des résidents permanents.

Le père a commencé à travailler sur le processus un soir, et après avoir éprouvé quelques difficultés, il a décidé de prendre un jour de congé uniquement afin de remplir les demandes en ligne, mais cela n’a pas fonctionné. Pour une raison ou une autre, le site du gouvernement ne lui permettait pas de soumettre la demande. Cet homme, qui est ingénieur en télécommunications, a donc commencé à chercher des conseils et a découvert des blogues entiers consacrés à la navigation du système d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. On lui a dit que le nom de sa rue était peut-être trop long. On lui a dit d’essayer d’ajouter des espaces dans son code postal. On lui a dit de ne pas utiliser de lettres majuscules. On lui a dit d’autres choses, mais en fin de compte, rien n’a fonctionné.

Après avoir perdu plus d’une journée sur la demande en ligne de sa famille, cet homme très intelligent et technologiquement compétent a imprimé les documents de demande et les a envoyés sur papier.

[Français]

Voici une deuxième anecdote. Tout le monde sait que nous manquons cruellement de médecins dans plusieurs régions, notamment dans les Laurentides, au Québec. Or, deux médecins d’origine française sont venus nous prêter main-forte depuis cinq ans et suivent 2 700 patients à eux deux.

Malheureusement, on a appris ces derniers jours qu’Isabelle Branco et Jean-Louis Ménard ont dû suspendre leurs rendez-vous et que leurs permis de travail étaient en péril. Ils ne soignent donc plus leurs patients, sous prétexte qu’un code manquait dans leur dossier, même s’il avait été envoyé plusieurs jours auparavant.

Heureusement, le dossier s’est réglé hier, mais on peut supposer que c’est l’intervention des médias qui a rendu ce dénouement possible.

Voici le paradoxe : même si de nombreux citoyens et citoyennes, moi y compris, s’arrachent les cheveux sur les sites Web du gouvernement depuis des années, nous en voulons davantage. Il nous en faut davantage.

La raison est simple : une grande partie de nos vies se passe désormais en ligne. Nous payons nos factures en ligne. Nous communiquons en ligne. Nous effectuons nos opérations bancaires en ligne. Nous faisons nos recherches en ligne. Nous achetons en ligne.

Steve’s Music Store, un des commerces les plus célèbres de Montréal, avait cette devise : « Si nous ne l’avons pas, vous n’en avez pas besoin. » De nos jours, si quelque chose n’est pas sur Internet, cela n’existe pas.

C’est pourquoi nous avons besoin que le gouvernement fédéral augmente la quantité et la qualité de ses services en ligne.

Je ne répéterai pas les statistiques citées par le sénateur Deacon à propos du retard du Canada dans le classement des gouvernements numériques. Je ne m’étendrai pas non plus sur les réductions de coûts — parce qu’elles sont difficiles à quantifier, comme le montrent clairement les récents rapports du directeur parlementaire du budget. Quoi qu’il en soit, cette transformation numérique ne consiste pas seulement à réduire les coûts. Il s’agit également de nous faciliter la vie et de garantir que nos services publics restent accessibles à mesure que la technologie évolue.

Pour que cela se produise, je suggère que notre gouvernement fédéral se concentre notamment sur deux choses.

La première, c’est la simplicité. Même si l’objectif premier de cette motion est d’augmenter la quantité de services disponibles en ligne, je pense que ce sera impossible si nous n’en améliorons pas également la qualité.

Les sites Web gouvernementaux doivent être simples à utiliser, avec un langage simple — pas du klingon —, des instructions simples, des processus de connexion simples et une authentification simple. Ils doivent également être fiables et flexibles, et non conçus pour accepter uniquement des types spécifiques de fichiers, de requêtes, de logiciels, de certificats, de caractères, de navigateurs et de formats. Ils doivent être conçus pour que des enfants de 10 ans ou des adultes de 64 ans, comme moi, puissent les utiliser sans pleurer ni crier.

[Traduction]

Le rapport du directeur parlementaire du budget contient un paragraphe encourageant sur ce point :

Pour cela, le gouvernement fédéral a créé un lien entre Mon Dossier des particuliers de l’ARC et Mon Dossier Service Canada d’EDSC. Ainsi, le particulier ouvre une seule session et profite de la fonctionnalité fondée sur le principe de « une fois suffit ». [...] En plus d’intégrer la connexion intégrée entre [les comptes de différentes agences], le gouvernement fédéral a établi des partenariats avec certains établissements financiers (partenaires de connexion) et certaines provinces pour l’accès aux services du gouvernement du Canada. [L]a possibilité d’utiliser différents justificatifs d’identité permet d’avoir des services en ligne « plus faciles d’accès » et « un nom d’utilisateur et un mot de passe de moins à mémoriser. »

(1700)

J’aimerais prendre un instant pour m’assurer que les archives éternelles du Sénat enregistrent clairement cette recommandation cruciale pour l’avenir de l’humanité : avoir à mémoriser moins de noms d’utilisateur et de mots de passe.

Le deuxième élément dont il faut tenir compte est la protection des renseignements personnels et la sécurité de l’information. Je n’ai absolument aucune connaissance technique dans ces domaines. Pour être bien franche, ce n’est pas quelque chose qui m’empêche de dormir le soir, peut-être parce que je suis naïve, ou bien parce que mes renseignements personnels n’ont rien d’excitant. Toutefois, je sais que beaucoup de gens, dont un de mes amis, sont très préoccupés par la protection de leurs renseignements personnels et la sécurité de l’information. Je sais également que ces choses sont importantes. À mesure que le gouvernement effectue la transition vers les services numériques et l’identification numérique, il doit adopter des pratiques exemplaires et être entièrement transparent à l’égard de ce qu’il fait.

Il n’en va pas simplement de la sécurité de l’information; il en va également de la confiance du public dans nos institutions, ce qui a des implications qui vont bien au-delà de la prestation des services gouvernementaux. Alors que, malheureusement, la confiance du public dans nos institutions semble être plus faible que jamais, le gouvernement doit adopter une approche exemplaire dans les interactions numériques et le traitement de l’information.

Je conclus en répétant que j’appuie la motion no 107. Le gouvernement fédéral doit poursuivre la transition vers une prestation numérique de ses services, et il doit le faire plus rapidement et mieux. Je ne m’attends pas à ce que cette transformation majeure s’achève à court terme. Cependant, et pour cette raison, je suis reconnaissante d’avoir mon époux, mes enfants et de jeunes membres au sein du personnel de mon bureau pour m’aider à m’y retrouver dans ces portails Web diaboliques. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Affaires sociales, sciences et technologie

Motion tendant à autoriser le comité à étudier les effets négatifs de la désinformation et des fausses informations relatives à la santé sur la société, et les mesures efficaces pour contrer ces effets—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Kutcher, appuyée par l’honorable sénateur Cormier,

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, les effets négatifs de la désinformation et de la mésinformation en matière de santé sur la société canadienne ainsi que les mesures efficaces qui pourraient être mises en œuvre pour les contrer;

Que le comité soumette au Sénat le rapport final sur son étude au plus tard le 31 mai 2024 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer la motion no 113 de mon collègue, le sénateur Stan Kutcher, visant à autoriser le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie à étudier les fausses informations en matière de santé, leurs effets sur les Canadiens ainsi que les mesures qui pourraient être prises pour les contrer. Aujourd’hui, j’aimerais m’attarder sur ce que nous savons actuellement de la réticence face aux vaccins et de la désinformation dont ces derniers font l’objet au Canada, ses causes, et des solutions possibles pour y remédier.

À l’heure où le monde continue de se remettre de la pandémie de COVID-19, la vaccination continue de jouer un rôle essentiel pour assurer la sécurité de nos collectivités. Il faut reconnaître que la pandémie a eu des répercussions qui ne se présentent qu’une fois par génération. Il est donc normal que les points de vue divergent sur un événement d’une telle ampleur. Malheureusement, à l’ère du numérique, il est plus facile que jamais pour les personnes dont les opinions sont fondées sur de fausses informations — qu’elles soient véhiculées délibérément ou non — de diffuser leur message. Sachant qu’il est plus important que jamais de vacciner le plus grand nombre de gens possible, la réticence face aux vaccins ne cesse de croître, que ce soit pour les vaccins contre la COVID-19 ou pour d’autres vaccins systématiques. Dans la pratique, cela ouvre la voie à la propagation de maladies évitables — dont bon nombre ont même été oubliées — et représente un risque connexe pour la vie humaine.

Bien qu’il soit vrai que tout vaccin peut avoir des effets secondaires variables lorsqu’il est injecté dans le système immunitaire d’une personne, les vaccins demeurent dans l’ensemble un moyen sûr et essentiel de prévenir des maladies graves et de sauver des vies. Nous le savons depuis qu’Edward Jenner a mis au point le premier vaccin contre la variole en 1796, qui a fini par éradiquer la maladie. Depuis la mise au point des premiers vaccins jusqu’à aujourd’hui, l’humanité n’a cessé d’être témoin des atouts et des avantages des vaccins, qui ont permis d’éviter des décès massifs causés par des maladies comme la polio, la rougeole, la rubéole, le tétanos et l’hépatite B.

Au cours des dernières décennies, de nouveaux vaccins ont permis de protéger les gens contre des maladies comme le zona, d’accroître l’accès à la protection contre le papillomavirus et de protéger les enfants contre la varicelle, une maladie infantile pénible que beaucoup d’entre nous ont contractée, j’en suis sûr. La semaine dernière, les docteurs Katalin Karikó et Drew Weissman ont reçu le prix Nobel de physiologie ou de médecine de 2023 pour leurs travaux qui ont permis de mettre au point des vaccins efficaces contre la COVID-19 à l’aide de la technologie de l’ARN messager.

On élabore actuellement de nouveaux vaccins, ce qui nous permet d’espérer que nous pourrons prévenir certaines douleurs et souffrances. Tandis que des chercheurs s’efforcent de trouver des moyens de protéger les populations les plus vulnérables au monde contre des maladies comme la malaria et le VIH, nous devons continuer de veiller à ce que le public ait confiance dans les vaccins et que la recherche scientifique ne soit pas ternie par la mésinformation. L’excellent travail des médecins, des scientifiques et des chercheurs visant à prévenir la propagation de ces maladies ne sera couronné de succès que si le public accepte ces vaccins et qu’on élabore et adopte des protocoles appropriés afin de bien éduquer les gens au sujet des avantages et des effets secondaires possibles — je répète, des effets secondaires possibles — de tout vaccin, car rien n’est garanti à 100 %.

La confiance mondiale dans la science fondée sur les données est essentielle à la santé et la sécurité des diverses populations de la planète, ainsi que pour empêcher certaines sociétés de sombrer dans des crises sanitaires évitables. L’UNICEF a rapporté que la perception, par le public, de l’importance des vaccins pour les enfants a diminué pendant la pandémie dans 52 des 55 pays étudiés par cet organisme. Le Canada fait malheureusement partie de ces pays. Selon l’UNICEF : « l’incertitude relative à la riposte contre la pandémie, l’accès plus généralisé aux fausses informations, la perte de confiance à l’égard des experts et la polarisation politique » comptent parmi les facteurs qui contribuent à cette situation.

L’augmentation de la réticence face aux vaccins coïncide avec une multiplication, parmi les enfants non vaccinés, des maladies qui pourraient être évitées. Selon l’UNICEF, le nombre de cas de rougeole a doublé dans le monde en 2022, et le nombre d’enfants atteints de polio a augmenté de 16 % par rapport à l’année précédente.

Il est extrêmement préoccupant de constater l’augmentation de la réticence à l’égard du vaccin contre la COVID-19 et, de manière plus générale, les campagnes de peur et de mésinformation à propos d’autres vaccins. La confiance envers les vaccins est en baisse au Canada, ce qui nuit à la santé de nos collectivités et de nos enfants, comme le montrent les flambées de maladies pourtant évitables qui se produisent ici même au Canada. Des vaccins qui ont largement fait leurs preuves subissent des attaques infondées dans certains pans de la population, ce qui a pour effet de réduire le nombre de gens qui ont recours aux vaccins. Cela ouvre la voie à des maladies infantiles qu’il serait possible de prévenir, comme le tétanos et la rougeole, qui ont des conséquences négatives pour nos collectivités et pour les personnes qui en sont malheureusement atteintes.

Nous savons aussi que les enfants du Canada qui n’ont pas eu les vaccins qu’ils auraient dû avoir pendant la pandémie vivent, dans bien des cas, dans des collectivités marginalisées ou des secteurs désavantagés. Diverses études démontrent toutefois qu’il y a des façons de soutenir les Canadiens qui se sentent réticents à l’égard des vaccins et de leur redonner confiance dans notre système de santé public.

Selon de récents sondages menés par l’Agence de la santé publique du Canada, la source d’information sur l’innocuité des vaccins qui inspire le plus confiance demeure les professionnels de la santé. En effet, pour les personnes qui se méfiaient le plus des vaccins, ce sont les discussions avec leur médecin, les infirmières, y compris celles de la santé publique, et les autres experts de la santé qui, dans la majorité des cas, les ont convaincues de faire vacciner leurs enfants. Ces constatations sont quelque peu rassurantes, dans la mesure où elles mettent l’accent sur le rôle primordial des professionnels de la santé publique pour réfuter les mythes à propos des vaccins et éduquer la population sur l’innocuité, l’efficacité et l’importance de la vaccination et de l’immunisation.

(1710)

J’ai travaillé auprès d’enfants de Terre-Neuve-et-Labrador et j’ai toujours été impressionné par la vigilance avec laquelle les infirmières de la santé publique veillent et continuent de veiller à ce que les carnets de vaccination des enfants soient bien tenus et à ce que ceux qui n’ont pas été vaccinés fassent l’objet d’un suivi et soient vaccinés en temps voulu. En cas d’hésitation, une consultation appropriée avec les prestataires de soins de santé est organisée.

Les cas de maladies infantiles évitables sont très peu nombreux à Terre-Neuve-et-Labrador, et je pense que cela reflète les bases solides des programmes communautaires de vaccination qui ont été établis par une riche tradition d’infirmières et de médecins de la santé publique.

C’est là un exemple de l’efficacité des efforts communautaires en matière d’éducation à la santé publique en faveur de la vaccination. Il est essentiel d’établir et de rétablir la confiance dans les vaccins pour protéger la santé et le bien-être de toutes les collectivités.

Honorables sénateurs, il est important que nous en sachions plus sur les effets que la mésinformation a sur la vaccination et la santé publique dans les collectivités que nous représentons au pays. Je remercie le sénateur Kutcher d’avoir lancé le dialogue et présenté un projet aussi important. J’ajoute, pour ceux d’entre vous qui n’ont pas encore été vaccinés contre le zona, que je suis prêt à vous voir, ordonnancier en main. Merci, meegwetch.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Le centième anniversaire de la Loi d’exclusion des Chinois

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénateur Woo, attirant l’attention du Sénat sur le 100e anniversaire de la Loi d’exclusion des Chinois, sur les contributions que les Canadiens d’origine chinoise ont apportées à notre pays et sur la nécessité de combattre les formes contemporaines d’exclusion et de discrimination auxquelles sont confrontés les Canadiens d’origine asiatique.

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de l’interpellation no 11, qui attire notre attention sur le 100e anniversaire de la Loi d’exclusion des Chinois. Je tiens à remercier le sénateur Woo d’avoir lancé cette interpellation fort pertinente. Je pense que l’une des grandes forces du Canada est notre capacité à réfléchir aux erreurs que nous avons commises dans le passé. L’interpellation proposée par le sénateur Woo nous donne l’occasion de nous assurer, après réflexion, de ne plus jamais emprunter cette voie.

Bon nombre de mes collègues ont déjà contribué à cette discussion et d’autres le feront, mais j’aimerais concentrer mes observations sur les répercussions sexospécifiques que les politiques d’immigration discriminatoires ont eues sur la communauté chinoise.

Pendant les 24 ans où la Loi d’exclusion des Chinois a été en vigueur, le Canada a accueilli moins de 50 Chinois. C’était effectivement une façon bien cruelle de remercier les 17 000 travailleurs chinois ayant joué un rôle essentiel dans la construction du chemin de fer du Canadien Pacifique, qui a été le premier grand projet d’infrastructure qui a joué un rôle dans la création de notre pays.

Lorsque la construction du chemin de fer s’est terminée en 1885, au lieu de récompenser les travailleurs chinois, le Parlement a adopté la Loi de l’immigration chinoise, qui imposait une taxe d’entrée de 50 $ à chaque Chinois qui entrait au Canada. En 1903, le montant de 50 $ est passé à 500 $, ce qui équivalait à environ deux ans de salaire d’une personne ordinaire. À cause de cette somme exorbitante, bien des travailleurs chinois n’avaient pas les moyens de faire venir leur épouse. Sans surprise, le ratio d’hommes par rapport aux femmes d’origine chinoise au Canada était de 15-1 en 1921.

La Loi d’exclusion des Chinois de 1923 faisait en sorte que ce ratio reste disparate. Plus de 90 % des épouses de Chinois sont restées en Chine. Pendant les absences prolongées de leurs maris, les femmes avaient la responsabilité d’élever les enfants et de s’occuper des parents. Les visites des maris étaient brèves et peu fréquentes, car leur droit de revenir au Canada aurait été révoqué s’ils avaient été absents pendant plus de deux ans. N’oubliez pas, chers collègues, qu’il n’y avait pas d’avions; il n’y avait que les longs voyages en mer. De nombreux enfants ont grandi en connaissant à peine leur père.

Le Canada n’a abrogé la Loi d’exclusion des Chinois qu’en 1947. Il l’a alors remplacée par une politique d’immigration restrictive fondée sur la race, en vertu de laquelle seuls les Chinois ayant déjà la citoyenneté canadienne étaient autorisés à parrainer leur famille aux fins d’immigration. Autrement dit, il s’agissait d’un autre type de mesure restrictive. Les mêmes règles ne s’appliquaient évidemment pas aux immigrants européens. Vingt ans plus tard, après l’adoption du système de points, les Chinois ont enfin commencé à être admis selon les mêmes critères que les autres groupes ethniques.

Les épouses qui ont réussi à venir au Canada dans les années 1950 et 1960 ont vu leur vie fondamentalement transformée. Après avoir vécu sans conjoint pendant des années, elles ont dû se réhabituer à vivre avec des maris qu’elles connaissaient à peine. Nombre d’entre elles ont travaillé de longues heures dans les petites entreprises de leur mari ou ont occupé divers emplois manuels.

Dans les premières années suivant leur arrivée au Canada, des femmes chinoises ont souffert d’exclusion et d’isolement social. Ce sont cependant leurs filles et leurs petites-filles qui ont porté leur cause et réclamé justice en leur nom. Des Canadiennes d’origine chinoise comme Avvy Go, Chow Quen Lee et Susan Eng ont contribué de façon importante à la campagne pour exiger des excuses et des mesures de réparation.

En tant que présidente de la section torontoise du Conseil national des Canadiens chinois, Avvy Go a participé à la campagne en 1989. Elle faisait partie des avocats qui ont participé au recours collectif visant à demander des mesures réparatrices pour les personnes qui ont dû payer la taxe d’entrée et leurs familles. Parmi les trois plaideurs qui ont mené les poursuites, il y avait Chow Quen Lee. Cette femme qui a été séparée de son époux pendant 14 ans à cause de la loi a milité ouvertement pour cette cause. La cause a finalement été rejetée, mais cette initiative a lancé les pourparlers avec le gouvernement qui ont donné lieu à des excuses officielles du Parlement, en 2006.

En tant que coprésidente de l’Ontario Coalition of Head Tax Payers and Families, Susan Eng a convaincu VIA Rail de commanditer l’initiative Redress Express, pendant lequel environ 100 personnes ont pris un train de Vancouver à Ottawa pour venir entendre les excuses.

Je tiens également à souligner la contribution de Dora Nipp, directrice générale de la Société d’histoire multiculturelle de l’Ontario. Elle est issue d’une famille qui a participé à la construction du chemin de fer et qui a payé la taxe d’entrée. En tant qu’historienne, Dora Nipp a mené de nombreux entretiens oraux d’histoire pour documenter les expériences des immigrants au Canada. Elle a également produit divers travaux, notamment en réalisant Under the Willow Tree, un documentaire sur les pionnières chinoises au Canada.

Ces femmes se sont battues pour obtenir justice et elles ont finalement obtenu gain de cause, le gouvernement ayant versé des indemnités symboliques à quelque 400 survivants et veuves en 2006.

La Loi d’exclusion des Chinois et d’autres mesures discriminatoires ont eu des répercussions profondes et durables sur les femmes et les familles chinoises. Il a fallu attendre 1981 pour que la proportion des sexes au sein de la communauté sino‑canadienne s’égalise. À l’occasion du 100e anniversaire de la Loi d’exclusion des Chinois, il est important de reconnaître non seulement les préjugés auxquels la communauté s’est heurtée, mais aussi l’extraordinaire persévérance qu’il a fallu déployer pour corriger ces injustices. Les Canadiennes d’origine chinoise ont joué un rôle majeur dans la recherche et l’obtention de cette réparation. En leur honneur, je vous remercie, chers collègues.

[Français]

L’honorable Marie-Françoise Mégie : Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui sur l’interpellation du sénateur Woo. Le but de cette interpellation est d’attirer l’attention du Sénat sur le 100e anniversaire de la Loi d’exclusion des Chinois, sur les contributions que les Canadiens d’origine chinoise ont apportées à notre pays et sur la nécessité de combattre les formes contemporaines d’exclusion et de discrimination auxquelles sont confrontés les Canadiens d’origine asiatique.

(1720)

Comme l’a souligné le sénateur Woo, le 14 février dernier :

[...] il y a 100 ans, dans cette enceinte, les sénateurs ont voté pour la mise en place de la Loi de l’immigration chinoise de 1923, mieux connue sous le nom de Loi d’exclusion des Chinois [...]

Les sénateurs Kutcher, Simons, McCallum, Jaffer et Oh ont pris également la parole sur cette interpellation.

Ils ont tous bien souligné, au moyen de nombreux exemples, les discriminations systémiques subies par les Canadiens d’origine chinoise. Ils ont aussi mis en valeur les contributions importantes faites à notre pays par la communauté sino-asiatique malgré tout.

Au fur et à mesure que j’écoutais les discours de mes collègues, je me suis sentie interpellée à mon tour. Loin de moi l’idée de faire un amalgame, mais les communautés noires ont, elles aussi, été visées par des mesures législatives semblables au Canada.

L’Encyclopédie canadienne mentionne ce qui suit, et je cite :

Le décret du Conseil C.P. 1324 a été adopté le 12 août 1911 par le Cabinet du premier ministre sir Wilfrid Laurier. Il visait à interdire à toute personne noire d’entrer au Canada pour une période d’un an parce que « la race noire [...] est considérée comme inadaptée au climat et aux exigences du Canada ».

Bien que les périodes visées soient différentes, la Loi d’exclusion des Chinois ayant été adoptée 12 ans plus tard, les parallèles sont nombreux pour ce qui est de la discrimination subie par les communautés chinoises et noires au Canada. Cela prouve, malheureusement, que l’histoire se répète.

Il est donc essentiel de combattre les formes contemporaines d’exclusion et de discrimination auxquelles sont confrontés certains Canadiens encore aujourd’hui.

Je remercie le sénateur Woo de son engagement en vue de nous sensibiliser à la discrimination systémique vécue par les Sino‑Canadiens. L’exposition qu’il a orchestrée, dans le foyer du Sénat, nous relate des pages sombres de l’histoire du Canada qui ne figurent pas dans nos manuels scolaires. Cette exposition représente, selon le sénateur, un lien tangible avec ce passé et est un appel à la vigilance contre toute forme moderne d’exclusion.

Cette interpellation a trouvé écho chez le premier ministre Trudeau. Un extrait de sa déclaration du 14 mai 2023 soulignait ceci, et je cite :

[...] la Loi d’exclusion des Chinois témoigne d’une période sombre de l’histoire du Canada dont les conséquences se font encore sentir aujourd’hui. Au même titre que la Loi de l’immigration chinoise de 1885, qui imposait une taxe d’entrée aux nouveaux arrivants chinois au Canada, la loi raciste de 1923 a presque totalement empêché les Chinois d’entrer au Canada pendant 24 ans. Elle est restée en vigueur jusqu’à son abrogation à cette date, en 1947. Cette discrimination systémique et cette politique raciste ont séparé des êtres chers, appauvri des familles et renforcé les préjugés à l’encontre des personnes d’origine chinoise au Canada, leur causant des blessures qui allaient perdurer durant des générations.

Chers collègues, il faut absolument profiter de l’occasion qui nous est offerte par cette interpellation pour parfaire nos connaissances de l’Histoire du Canada — avec un grand « H ».

Les historiens ne cessent de nous dire ceci : si nous n’apprenons pas de l’histoire, nous serons condamnés à la répéter.

Comme vous le constaterez en examinant le fil des événements, cela s’est produit en 1911, puis en 1923; nous ne devons jamais adopter à nouveau de telles lois discriminatoires à l’égard d’autrui.

Notre rôle est de transmettre nos valeurs d’inclusion et d’égalité aux générations futures pour qu’elles puissent vivre dans un pays plus juste.

Enfin, pour enrayer le racisme sous toutes ses formes, qu’il soit implicite ou explicite, nous devons, dans cette Chambre, demeurer vigilants.

Merci.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia : Honorables sénateurs, c’est un plaisir pour moi de prendre la parole aujourd’hui au sujet de l’interpellation du sénateur Woo. L’objectif est double : célébrer les contributions inestimables des Canadiens d’origine chinoise, tout en réfléchissant aux préjugés, à l’exclusion et à la discrimination dont ils sont depuis toujours victimes.

J’aimerais remercier les sénateurs Jaffer, McCallum, Simons, Oh et Kutcher d’avoir parlé de cet enjeu crucial ainsi que, bien sûr, tous les intervenants d’aujourd’hui.

Les contributions de la communauté chinoise de Terre-Neuve-et-Labrador constituent un aspect important, mais souvent négligé, de l’histoire de notre province. La communauté chinoise joue depuis le début un rôle vital dans le modelage de notre tissu culturel, économique et social.

Les premiers immigrants chinois sont arrivés à Terre-Neuve-et-Labrador dans les années 1890, et la nouvelle s’est répandue dans tout St. John’s que deux immigrants chinois allaient ouvrir une blanchisserie. Au cours des décennies suivantes, la ville et la province ont continué d’attirer des immigrants chinois.

Chers collègues, c’était à une époque où presque toute la population de Terre-Neuve était blanche, chrétienne et anglophone. En 1906, la province a adopté une loi sur l’immigration chinoise, l’Act Respecting the Immigration of Chinese Persons, imposant une taxe de 300 $ par immigrant chinois arrivant sur le territoire de la colonie. Ce montant représentait de une à trois années de salaire et constituait un obstacle important à l’immigration chinoise. Malgré les défis et les préjugés auxquels les Terre-Neuviens d’origine chinoise devaient faire face, la persévérance et la force de cette communauté sont demeurées remarquables et sa contribution à la société et à la croissance de Terre-Neuve est demeurée exceptionnelle.

Dans les années 1920, la communauté chinoise a commencé à ouvrir des restaurants et on sait aujourd’hui qu’elle a contribué à bâtir la culture des sorties au restaurant dans la province. Les premiers restaurants chinois servaient des mets que les Terre‑Neuviens connaissaient et appréciaient, comme le poisson-frites et le poulet rôti. En même temps, les immigrants chinois cuisinaient toujours des plats issus de leur culture à la maison et avaient de la difficulté à trouver les ingrédients traditionnels nécessaires à leur préparation. En 1968, au centre-ville de St. John’s, Mary Jane’s a été le premier magasin d’aliments naturels à offrir certains aliments d’origine chinoise. De nos jours, il y a de nombreuses épiceries à St. John’s pour servir cette communauté grandissante et florissante.

Quand Terre-Neuve s’est jointe à la Confédération, en 1949, la taxe d’entrée imposée aux Chinois a été éliminée. Les changements apportés à la politique en matière d’immigration en 1967 ont diversifié le profil professionnel, les origines et les pratiques des immigrants chinois qu’accueille Terre-Neuve-et-Labrador et ces immigrants travaillent aujourd’hui dans les secteurs de la santé, des sciences, de l’ingénierie, des mines et des pêches.

En 1976, l’Association des Chinois de Terre-Neuve-et-Labrador a été créée pour promouvoir la culture et les traditions chinoises dans l’ensemble de la province et encourager les communautés à préserver et à célébrer leur patrimoine chinois. L’association est gérée par des bénévoles qui organisent des activités dont ils font la promotion, comme les festivités du Nouvel An chinois, des spectacles et des services commémoratifs. En 1981, en collaboration avec ses partenaires communautaires, l’association a érigé un monument commémoratif dans le cimetière Mount Pleasant de St. John’s pour rendre hommage à la communauté chinoise ayant immigré à Terre-Neuve à compter des années 1890.

Dans un autre secteur de St. John’s, un autre monument commémoratif rend hommage aux 300 hommes chinois qui ont dû payer la taxe d’entrée à Terre-Neuve. Ce monument a été édifié en 2010 par l’organisation Newfoundland and Labrador Head Tax Redress, un groupe qui s’emploie à renseigner le public sur ce sombre chapitre de notre histoire et à en préserver le souvenir. Le monument est érigé sur le site de la première buanderie chinoise de St. John’s, qui a ouvert ses portes en 1895.

En 2006, le premier ministre provincial de l’époque, Danny Williams, a présenté les excuses officielles du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador pour la taxe d’entrée imposée aux Chinois.

Aujourd’hui, la communauté chinoise représente 1,3 % de la population de St. John’s, soit environ 1 500 personnes, et elle est la plus grande minorité visible. On dénombre environ 2 300 personnes d’origine chinoise à Terre-Neuve, soit 0,5 % de la population de la province. Malgré ces nombres apparemment modestes, la communauté chinoise de Terre-Neuve est forte, active et très influente.

Je suis également fier de dire que la croissance de l’Université Memorial soit à l’origine d’une augmentation de l’immigration chinoise à Terre-Neuve, les étudiants et les universitaires étant attirés par la province pour y faire leurs études et nous éduquer par la même occasion.

(1730)

Les membres de la communauté ont continuellement apporté leurs traditions à Terre-Neuve-et-Labrador et ont généreusement partagé leur culture avec la communauté non chinoise. Récemment, des membres de la communauté ont fait découvrir la musique traditionnelle à des spectateurs de St. John’s grâce à des spectacles mettant en vedette le guzheng, un instrument traditionnel. Le YY Guzheng Ensemble se produit pour le public de St. John’s et propage l’amour de la musique chinoise dans toute la communauté. Le groupe est composé de 15 membres, allant de jeunes adolescents à des septuagénaires, qui partagent un même amour de la musique et de la tradition.

Honorables sénateurs, malgré le chapitre sombre et les difficultés incroyables auxquelles la communauté a été confrontée, elle fait aujourd’hui partie intégrante de l’histoire de notre province. Les immigrants chinois et leurs descendants continuent de jouer un rôle crucial dans notre développement économique, culturel et social. Leur héritage de résilience et de détermination témoigne de l’importance de reconnaître et de corriger les injustices historiques, comme la taxe d’entrée, tout en célébrant la riche diversité qui fait de ma province bien-aimée un endroit unique et inclusif où il fait bon vivre. Merci, meegwetch.

(Sur la motion de la sénatrice Petitclerc, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-13(2) du Règlement, je propose :

Que la séance soit maintenant levée.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(À 17 h 32, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

Annexe - Liste des sénateurs

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